Les sagouins

Nous n’avons pas qu’un problème de corruption en Haïti. En République Dominicaine aussi, ils sont très corrompus. On se rappelle encore de des démêlés du Sénateur Bautista, par ailleurs grand bénéficiaire de contrats juteux avec l’administration Martelly-Lamothe. En 2017, le Scandale Obredecht a vu la naissance de la Marche verte contre la corruption exigeant emprisonnement, remboursement, annulation de contrats et enquête indépendante. Dans l’indice de la perception de la corruption de Transparency International, la République Dominicaine accuse une note de 29/100 qui lui assure la 135e place sur 180 pays. Nous sommes donc loin d’un État modèle. Nous voilà pourtant réduits à admirer et à saluer sa « bonne » utilisation des fonds Petrocaribe parce que la gestion des nôtres a été si abyssale. C’est que, avec leurs milliards de Petrocaribe, les Dominicains ont renforcé leurs lignes de métro, inauguré un magnifique téléphérique et construit de belles routes.

Ces deux dernières semaines, les images ont circulé sur les réseaux sociaux, comme autant de rappels de l’outrecuidante iniquité de nos responsables qui ont construit des « stades » à l’allure d’arrière-cour de prison réputés nous avoir coûté 5 millions de dollars pièce et installé partout des tôles rouges et bleus, comme notre bicolore, pour bien se moquer de nous.

Nous connaissons tous la blague. Un ministre des Travaux Publics haïtien est invité chez son homologue dominicain. Ce dernier habite dans une superbe villa qui impressionne grandement l’Haïtien.

Quelle magnifique maison, tu as là ! Comment as-tu fait ? – Tu vois la route à 6 voies qui mène ici ?- Je n’en vois que quatre.- Justement.

Un an plus tard, le ministre haïtien invite à son tour son homologue dominicain.

Tu admirais ma maison, mais la tienne est un véritable château ! – Tu vois la route à 6 voies qui mène ici ? – Mais, il n’y a pas de route du tout.- Justement.

Voilà toute la différence ! En République Dominicaine, les corrompus ne vivent pas dans la crasse. En Haïti, nous avons affaire à des sagouins, des malpropres, des kakistocrasseux.

Qu’importe qu’il n’y ait pas de route, pas d’hôpital, pas d’écoles, pas de salles de cinéma, pas de salles de théâtre ! Qu’importe que nos élèves, nos professeurs et nos étudiants soient dans les rues pour marcher contre une éducation au rabais ! Qu’importe que l’école Nationale des Arts soit fermée depuis un an ! Que la gourde ne soit plus qu’un soixante-sixième d’un dollar ! Que 80% de la population haïtienne soit installée dans la misère ! Qu’importe ! Qu’importe ! Qu’importe !

Tant qu’ils ont de l’argent pour vivre. Tant qu’ils ont de belles maisons où se terrer. Tant qu’ils ont de jeunes et belles madan papa à exploiter. Tant qu’ils peuvent envoyer leurs familles à l’étranger. Tant qu’ils peuvent continuer à gruger tout un peuple en toute immunité.

Nos kakistocrasseux sont à l’aise. Ils vivent dans et de la crasse. Aussi celle-ci ne les dérange-t-elle guère ? Leurs priorités sont ailleurs. Les #PoFlèLeta qui jonchent nos rues, nous rendent malades et causent l’incendie de notre iconique Marché en Fer, n’inquiètent pas outre mesure. Elles ne semblent même pas retenir l’attention de notre Président qui se dit pourtant déterminé à redorer l’image d’Haïti et s’offusque si facilement de l’impertinente intervention de la cheffe de la Mission des Nations Unies pour la Justice en Haïti encourageant la justice haïtienne à se saisir de dossiers de justice.

Il n’y a pas que nos politiques à se vautrer dans la crasse. Tel grand industriel, très actif politiquement, ne semble pas autrement dérangé par l’état d’insalubrité chronique à l’entrée de son entreprise. Ses bureaux sont magnifiques pourtant ! La grande classe. Normal, il y passe beaucoup de temps. Les alentours de l’entreprise, il n’y passe que dans sa belle tout terrain hors de prix. Ceci explique cela. Telle matriarche d’une riche et célèbre famille haïtienne habite à quelques pas de l’un des plus grands bidonvilles de la zone métropolitaine. Tel haut responsable de l’Etat habite dans un bas-fonds qu’il faut avoir des dons particuliers de cascadeurs pour remonter en voiture.

Les routes menant à certains quartiers abritant les premiers d’entre nous, n’en sont pas. Entre terre glaise, crevasses et mares, se frayer un chemin pour répondre à une invitation à dîner, après une petite pluie, relève du parcours du combattant. Ces tracasseries sont vite oubliées, une fois à l’intérieur. Quand on s’exerce à admirer la vaisselle de Chine, le beau service à thé anglais et les tableaux de maîtres, c’est difficile de penser à la boue qui a failli vous enterrer à quelques mètres de là.

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