Il était une fois un peuple à l’histoire faite de grandes victoires suivies de grandes déceptions. Victoire contre l’esclavage des Noirs se soldant par l’assassinat d’un Empereur qui voulut que ceux dont les pères sont en Afrique aient aussi quelque chose. Victoire contre la colonisation se concluant par le paiement débilitant de la dette de l’indépendance. Victoire pour la liberté enfin débouchant sur une longue série de monarques et de Présidents à vie.
Puis vint 1986. Le renversement de la dictature. Puis 1988. Les premières expériences démocratiques tâchées par le sang de la ruelle Vaillant. Puis 1990. La démocratie triomphante. Un peuple entier s’était choisi un prêtre qui lui avait promis une avalanche de Justice. Paix. Prospérité.
Pendant 8 mois, le peuple y crût. Enfin, il allait prendre son destin en main. Les promesses de 1986 étaient loin de s’accomplir. Certains avaient la victoire arrogante. Le prêtre commit quelques impairs. Mais l’on avait bon espoir.
Puis arriva 1991. Un 30 septembre. Un coup d’État. Le plus sanglant de l’histoire d’un peuple pourtant guère étranger aux coups d’États. Le plus douloureux aussi. Le plus long.
Pendant trois ans, sous un embargo des plus féroces imposé par son Oncle d’Amérique, le peuple espéra. Il savait que son prêtre lui reviendrait. Il savait que, cette fois, l’œuf retournerait dans la poule. Il savait que la feuille tombée à l’eau ne coulait pas le même jour et que son seul fils exilé reviendrait au pays.
Le 15 octobre 1994, le fils revint enfin. Mais il n’était plus lui-même. Ou, plutôt, il était encore plus lui-même qu’avant. Il était revenu avec l’accord de Governor’s Island. Il était revenu avec les chimères. Il était revenu SuperPrésident, déterminé à se maintenir au pouvoir, par voie de marasa et de soutiens terrifiants.
Le peuple, déçu, se replia sur lui-même. Résigné, il a convenu d’accepter l’inacceptable. L’on célèbre sa résilience. Il contemple sa déchéance. Mais demeure l’espoir, qu’un jour, un jour, il y aura une victoire qui sera finalement la bonne.
Ce jour-là, la société haïtienne aura réussi à augmenter son niveau d’historicité (Alain Touraine). Elle se sera construite des pratiques « à partir de modèles culturels et à travers des conflits et des mouvements sociaux ». Elle aura réussi à se construire une représentation d’elle-même, une interprétation commune de ce qu’elle est, du bien commun.
Ce jour-là, elle sera enfin.
SI L’EPOPEE EST < > L’HISTOIRE PASSEE
D’HAITI NE SE FAIT QUE D’EPOPEES.
DonCamilo
J’aimeJ’aime