Nos deux dernières transitions nous ont ramené à la situation ante. De vraies révolutions. Au sens mathématique du terme. Un grand mouvement. Autour d’un axe immobile. Un 360°. Retour au point de départ.
Le retour à la démocratie a vu Jean-Bertrand Aristide faire une petite passe courte à son marassa, René Préval, avec la mission expresse de garder la chaise bourrée bien au chaud pour son retour au pouvoir. Au début, c’est le succès. Préval est élu à 88% des voix. Mais, cinq ans, c’est long. Deux ans plus tard, en 1997, Aristide lance son nouveau parti, Fanmi Lavalas, en opposition à (la réforme économique de) Préval. Les complications allèrent grandissantes. Les élections législatives gagnées par le nouveau parti sont contestées; la présidentielle gagnée par Aristide, encore plus. TiRené termine son mandat et se retire dans sa Marmelade familiale. Titide redevient Président; l’opposition se donne un président; le pays plonge dans une crise qui se termina par une démission/coup d’Etat. Aristide atterrit à Bangui puis en Afrique du Sud. Une transition s’installe avec l’aide de nos meilleurs.
La transition de 2004 – 2006 fut marquée par une prolifération de décrets créant de nouvelles institutions et l’arrivée fulgurante d’un kidnapping sauvage non discriminant, orienté volume. Lorsque les élections de 2006 arrivèrent, la nostalgie de l’époque Lavalas s’était déjà installée. Nos meilleurs (particulièrement l’USAID et l’IRI) tentèrent bien de proposer leur propre Lavalas avec Marc Bazin mais la chose ne prenant pas, l’on dût aller chercher Préval dans sa Marmelade.
L’ère post-séisme a vu la communauté internationale installer Michel Martelly à la présidence d’Haïti, courtoisie du couple Clinton et de Réginald Boulos. Martelly Président, il fonde son propre parti, le PHTK – parti haïtien tèt kale – parce que pourquoi pas. Au début, c’est le succès. Haïti croule sous les dons pour sa reconstruction – 9 milliards; les fonds Petrocaribe – 2 milliards – sont à notre disposition pour 25 ans encore; Haïti est sur le point de décoller. Puis, très vite, les scandales. Gary Conille et son audit des contrats Petrocaribe certes mais aussi les sensibilités duvaliériennes, les pots de vin de la République dominicaine ainsi que la violence, la corruption, l’impunité du règne des bandits légaux. La grogne augmente. Des élections sont organisées et contestées. Au 7 février 2016, le pays se retrouve sans nouveau Président. Sept jours plus tard, le président du Sénat de la République accède à la présidence provisoire de la République. Une transition s’installe sous le regard dubitatif de nos meilleurs.
La transition 2016-2017 fut marquée par l’incapacité de l’opposition à Martelly de faire front commun et de proposer une alternative unique au PHTK et des nominations en cascade de hauts fonctionnaires. La transition devait réaliser des présidentielles en 4 mois; elle les réalisa en un an. Un an pendant lesquels rien ou presque ne changea. Jovenel Moïse qualifié pour le second tour lors des présidentielles annulées de 2015 sera élu dès le premier tour aux présidentielles de 2016.
L’ère Moïse a le bonheur de réunir, en sus de tout ce qui fait le charme du PHTK, les caractéristiques des deux précédentes transitions. C’est un deux en un. Mandat + Transition. M’est avis que nous pouvons sauter l’étape de la transition-révolution et passer directement à la démocratie. Comme nous l’avions fait en 1990, lorsque nous étions sortis voter en masse un prêtre charismatique. Sauf que, cette fois, nous ne voterions pas un leader et sa suite mais des idées et leurs défenseurs.
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