Il y a quelques décennies, au temps de la dictature, lorsqu’il était clair que #BlackLivesDidNotMatter, la solution aurait été toute trouvée. La compagnie , dûment autorisée, à exporter le plasma des Haïtiens engrangeant 4 à 5 dollars de profit pHemocaribbeanar litre.
Nous sommes en janvier 1972. Le New York Times rapporte l’étrange histoire de ce courtier en bourses du nom de Joseph B. Gorinstein et de son contrat de 10 ans avec le gouvernent haïtien pour acheter et vendre du sang haïtien. C’est François Duvalier lui-même, un peu avant sa mort, qui négocie l’affaire. Vampire assumé, il a dû vouloir afficher haut et fort son drapeau de monstre. Il l’aurait même fait gratuitement, selon le directeur technique de la compagnie. Pas un sou à payer au gouvernement. Se sachant mourant, Papa Doc a dû vouloir nous faire une dernière blague.
Naturellement, tout le monde en Duvaliérie n’était pas en mode rigolade. De ceux-là étaient le très puissant ministre de l’Intérieur et de la Défense, Monsieur Luckner Cambronne, qui servira d’agent de liaison sur la question.
Monsieur Cambronne est un businessman. Le NYT le présente comme copropriétaire de Air d’Haïti – la compagnie du père de l’épouse du bébé dictateur – avec des intérêts majeurs dans une agence de voyage, des taxis, une firme d’exportation pétrolière, une société d’importation de vêtements usagés, une compagnie vendant du poisson séché et une ancienne plantation de sisal. Aussi saisit-il rapidement l’opportunité extraordinaire présentée par Gorinstein.
L’Amérique d’alors est à court de plasma et les Américains en santé, trop individualistes et pas assez pauvres, ne sont guère motivés à visiter les banques de sang d’eux-mêmes ou à recevoir de l’argent pour le faire. Aussi les vendeurs de sang sont-ils souvent des accrocs à la drogue et autres désespérés à la santé compromise. Or, voilà qu’en Haïti, les gens sont pauvres (75 dollars de PIB/habitants) et non accrocs à la drogue. De plus, ils sont à 80/90% illettrés. On aurait difficilement pu créer des vendeurs plus parfaits. Certes, ils ne mangeaient pas toujours à leur faim mais seulement 1/2% à être trop faibles pour donner du sang.
La paie est bonne. En donnant régulièrement du plasma, un Haïtien peut, théoriquement, se faire 150 à 250 dollars par an. C’est plus que le double du revenu annuel moyen. De 6:30 AM à 10 h PM, une file de donneurs en haillons et pieds nus se forme à Hemocaribbean dans l’attente de 3 dollars en échange d’un litre de plasma sanguin.
L’Ambassade américaine s’en lave les mains. La compagnie intervient en Haïti sans « sa bénédiction ». Le gouvernement haïtien aurait, lui, donné sa bénédiction pour les retombées économiques locales : 9 500 dollars par semaine dont 2500 pour 110 employés. Que personne n’ose dire que la dictature ne fit rien pour les Haïtiens !Mais, revenons à Cambronne.
Né en 1929 des œuvres d’un pauvre prédicateur protestant, Luckner Cambronne n’a pas un début prometteur dans la vie mais très vite, il cherchera à y remédier et y parviendra avec succès. Caissier à la banque, il réussit à se faire employer dans le cercle du nouveau médecin président en tant que messager. Il gravit rapidement les échelons et passe de porteur de valise à extorqueur en chef, au fur et à mesure qu’il grandissait dans l’estime du patron… au point d’avoir Maman Doc, elle-même, comme marraine à son mariage.

Cambronne était de tous les ministères propices à la corruption, travaux publics, douanes, défense… Il excellait à vendre la protection du gouvernement aux hommes d’affaires qui rechignaient à payer leurs contributions au « mouvement national pour la rénovation » sont la mission officielle était de construire des routes et des logements sociaux. Certains, chanceux, comme les ascendants de Clifford Brandt, faisaient un tour par la prison. D’autres, voyaient leur espérance de vie considérablement diminués. Les plus intelligents saisir vite les avantages de leur support à la cause duvaliériste et contribuèrent sans broncher.
À la tête d’une armée de tontons macoutes, Luckner Cambronne semait la terreur, augmentant sa fortune et celle de son patron. En récompense, avant de passer l’arme à gauche, Papa Doc permit à son protégé de devenir, de la plus officielle façon, le « Vampire des Caraïbes », exportateur extraordinaire de plasma certes (5 tonnes par mois) mais aussi de cadavres pour les besoins de la médecine américaine.
Les produits sont de qualité. Le sang haïtien est riche en anticorps – on développe une sacrée immunité communautaire quand on est pauvre, souvent malade, et réussit à survivre. Le cadavre haïtien est pratiquement sans graisse, facilitant l’accès aux organes internes pour étudiants en médecine de pays riches. Du reste, nous ne sommes pas à une expérience sur des corps noirs près. Il n’y a pas si longtemps, nous discutions de l’administration de Norplant dans les centres pour le développement et la santé du Dr Reginald Boulos, avec la benediction, cette fois de la USAID.
L’aventure s’arrêta net quand Marie Denise Duvalier – et son tendre mari – demandera la tête de Cambronne. Le bébé dictateur qui écoutait encore sa sœur, obtempéra et se débarrassa de l’ancien homme fort désormais en disgrâce. Celui-ci se réfugia à l’ambassade colombienne, avant de se retrouver aux États-Unis d’Amérique où il mourra de sa belle mort.
Le 25 septembre 2005, Le Nouvelliste, admirable dans sa capacité jamais démentie à adoucir les derniers jours des anciens barons de la dictature, titra sur la mort, deux jours plus tôt, de ce simple messager devenu l’un des collaborateurs les plus puissants d’un Président et qui, « après des décennies au timon des affaires, M. Cambronne a contribué a établir le mouvement national pour la rénovation ».
Aucune mention de ces corps noirs, emprisonnés, maltraités, vampirisés, vendus … Aucune mention de ces vies détruites dans la poursuite du pouvoir et de l’argent. À l’évidence, ces #BlackLivesDidNotMatter.
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