L’avenue Nelson Mandela

De retour des funérailles de Nelson Mandela en Afrique du Sud, le président Michel Martelly nous revint inspiré. Dans un texte transmis au quotidien Le Nouvelliste, sa femme et lui, devenus un, nous expliquèrent cette transformation, à la première personne du singulier:

Ce moment historique m’a permis de mieux comprendre que la compréhension mutuelle des peuples est le seul remède pour maintenir la paix. Cet évènement m’a éclairé davantage sur bien des thèmes, tels que la solidarité citoyenne, la conscience nationale, le patriotisme et le consensus démocratique.

Michel Joseph Martelly Président de la République Sophia Martelly Première Dame de la République d’Haïti, Hommage d’Haïti à Nelson Mandela, Le Nouvelliste, 13 décembre 2013

Pour accompagner cette importante prise de conscience, un arrêté présidentiel en date du 13 décembre 2013 rebaptisait la route du Canapé Vert, Avenue Nelson Mandela. La note de la présidence accompagnant l’annonce en donnait ainsi les raisons:

Cette décision a été prise en vue d’honorer la mémoire du symbole de la lutte anti-apartheid qui a consacré sa vie à l’affranchissement du peuple noir de l’Afrique du Sud et de l’offrir en exemple aux générations montantes. Elle se justifie également par le fait qu’Haïti s’est toujours associée à la lutte anti-apartheid et qu’il convient, par tous les moyens appropriés, de garder le souvenir de ce leader hors du commun qui a fait vibrer le monde jusqu’à sa mort.

Il était alors question de « plaques portant l’inscription « Avenue Nelson MANDELA »… placées ostensiblement à chaque carrefour desservant la susdite route ». Naturellement, il n’en fut rien. Peut-être que l’indécence de placer un tel symbole dans un pays où le creusement des inégalités semble autoriser Le Nouvelliste à titrer sur des « maisons cossues » brûlées comme signal de détresse les a arrêtés. Peut-être ont-ils tout simplement oublié comme toutes les promesses n’engageant que ceux qui y croient du PHTK. Qui sait ?

Toujours est-il que, dans cette Haïti, qui se refuse toujours à être différente, des conflits terriens appuyés par des politiques armés de gangs détruisent nos communautés sur fonds de frustrations croissantes. Toujours est-il que la solidarité citoyenne ne suffit pas quand les institutions ne sont plus. Toujours est-il que les actions individuelles n’arriveront jamais à remplacer l’action étatique.

Arrive le moment – et il arrive toujours – où une communauté en a marre de la charité, en a marre de devoir dépendre de vous, et met le feu chez vous. Parce que, au final, il ne s’agit pas de vous mais d’une question de dignité. Pas de celle que l’on nous accorde mais de celle que l’on se permet. En tant que père qui doit se nourrir à la soupe populaire du coin. En tant que mère qui doit laisser son bébé à l’orphelinat du coin. En tant que parent qui doit envoyer ses enfants à l’école gratuite du coin.

Ce n’est pas toujours facile de dépendre de la bonne volonté des autres. C’est humain de vouloir de meilleures conditions de vie où l’on peut établir un minimum de contrôle sur sa destinée. Alors, on finit par en vouloir à l’autre qui aide. On le suspecte de se moquer dès que l’on a le dos tourné. De nous regarder de haut. De se penser meilleur que nous. On en vient à souhaiter qu’il paye. Un jour. Puis, un jour, ce n’est plus un souhait.

Comment, dans ces conditions, construire une conscience nationale ? Comment faire appel au patriotisme et au consensus démocratique ? Comment rêver à #AyitiNouVleA quand le Nous est à construire ? Quand Haïti n’a plus de substance ? Quand L’Etat n’existe pas ?

L’Avenue Nelson Mandela devra attendre.

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