Son Excellence Rajoelina sauvera le monde… ou pas

Ça y est ! Son Excellence Andry Rajoelina (SE_Rajoelina sur Twitter), Président de la République de Madagascar et éminent VPR de l’artemisia, va nous envoyer un peu de sa potion magique contre la COVID-19, le COVID Organics. Ce généreux don fait suite à un échange hautement scripté, ce matin, entre notre président Jovenel Moïse et son homologue malgache – ou malagasy qui semble avoir la préférence de monsieur Rajoelina. L’annonce en a été faite par le concerné lui-même sur Twitter :

La tisane à l’armoise (nom de l’artemisia chez nous) ayant le vent en poupe ici depuis la première présentation du Covid-Organics, la nouvelle fait plaisir. Jusqu’ici des combinaisons circulaient sur Whatsapp. Ce matin même, le Dr Jean-Baptiste, spécialiste en médecine naturelle, offrait sur la Radio Caraïbes, quatre tisanes pour la prévention : armoise + verveine, armoise + assorossi, armoise + romarin, armoise + kasesèk. À prendre, sans faute, tous les matins. Ce doit être rafraîchissant de savoir que nous aurons bientôt la bonne formule. En bouteilles ? Sous forme de feuilles séchées ? Il n’est que d’attendre.

Certes, il n’y a pas que la solution à l’armoise qui déchaîne les passions des fans de médecine traditionnelle. Au Cameroun, l’archevêque de Douala, le Mgr Kleda, phytothérapeute d’expérience, présente lui aussi des succès de traitement de la maladie à base de tisanes.

Là où l’Occident fait la course aux vaccins, l’Afrique semble se lancer dans une course aux plantes médicinales. Les deux approches se valent. Le problème réside dans les méthodes. La méthode scientifique pour l’un, la méthode conspirationniste pour l’autre.

C’est ce qui arrête et force à douter de l’efficacité de la potion malagasy. Ce recours instantané à la théorie du complot. Cette idée proprement absurde qui voudrait que demander des preuves soit un biais colonialiste impérialiste. C’est d’autant plus curieux que l’artemisia est une plante bien connue de la médecine qui, en 2015, a valu le Prix Nobel de la médecine à la chercheure chinoise Tu Youyou pour l’application de l’artémisine pour traiter la malaria.

Nous ne sommes donc pas face à une plante obscure dont les vertus thérapeutiques seraient nouvelles mais d’une plante présente dans la médecine chinoise depuis plus de deux millénaires et avec un principe actif reconnu par la science médicale. Tout ce que l’organisation mondiale de la santé demande ce sont des tests pour la rassurer que 1) l’artemisia n’est pas dangereux à forte dose et que 2) les questions de dosage soient précisées. Certes, les études coûtent chères et le Madagascar est un petit pays pauvre – comme le rappelait son président – mais l’Allemagne veut bien s’y mettre et le Congo aussi. Alors, autant s’y soumettre. Ceux qui travaillent sur les vaccins le font bien.

Naturellement, le problème va au-delà de l’artemisia pour toucher à l’efficacité des plantes… médicinales quand le principe actif peut varier en fonction des conditions de croissance, de récolte, d’entreposage de la plante ou encore de préparation de la tisane. L’année dernière, l’OMS avait fait sortir une mise en garde contre l’utilisation de l’artemisia contre le paludisme dont un document expliquant sa position est accessible ici. En gros, l’organisation souligne les risques d’émergence de formes résistantes de la maladie du fait d’un dosage hasardeux. En 2007, dans ses recommandations, elle rappelle que:

Toutes les plantes d’Artemisia annua ne contiennent pas nécessairement d’artémisinine et dans certains endroits, en fonction de la qualité du sol et des précipitations, la teneur peut être très faible…

Artemisia annua est notamment sensible à l’humidité et à la température, et ses feuilles « conservées à une température supérieure à 20°C avec une humidité relative élevée entraînent une perte substantielle de teneur en artémisinine…

Afin de recevoir une dose équivalente à un comprimé ou à une capsule d’artémisinine à 500 mg, les patients devraient boire jusqu’à 5 litres de thé d’A. Annua par jour pendant au moins sept jours consécutifs.

Aussi, peut-on difficilement s’étonner qu’elle soit bien plus prudente que le président Rajoelina dont le pays produit 30 000 tonnes d’Artemisia chaque année – le plus grand stock en Afrique – à 3 000 dollars la tonne.

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