La nouvelle nous est d’abord arrivée par les médias internationaux: une dépêche de l’Associated Press vite reprise par le New York Times (USA) et le Listin Diario (RD). Treize enfants de moins de douze ans – dont la moitié avait trois ans et moins – sont morts des suites d’un incendie dans un orphelinat
- dont l’accréditation avait été révoquée par l’Institut du Bien-Être Social et de Recherches depuis 2012 mais continuait à fonctionner en dépit du fait
- géré par des missionnaires américains de l’Église de la Compréhension de la Bible que l’IBESR poursuivra à coup sûr, et avec succès, comme il l’a toujours fait jusqu’ici; encore que cela ne ramènera pas nos enfants
- incendié par l’utilisation de bougies pour l’éclairage, l’Électricité d’Haïti étant en mode black-out
- où les secours, arrivés à moto et sans bombonne d’oxygène, n’ont pas réussi à procurer les premiers soins aux enfants et leur éviter de mourir dès leur arrivée à l’hôpital.
Entre temps, nous avons appris que deux autres petits corps ont été retrouvés calcinés, augmentant le nombre de victimes à 15.
Ces 15 enfants morts le sont de la faute d’un État sans politique de l’enfance – ou même de la population – et une société trop prompte à fermer les yeux sur ces milliers d’enfants, pas tout-à-fait orphelins, qui sont récupérés puis enfermés par Dieu sait qui, Dieu sait où, tout comme elle s’exerce à ne pas voir ces milliers d’autres qui vivent dans les rues ou réduits en esclavage domestique.
Lorsque, dans un sursaut désormais régulier, nous nous rappelons de leur existence, nous lamentons le peu de régularisation du secteur et passons à autre chose. En 2008, post-Tempête Jeanne, a eu lieu une vaste opération de recensement des orphelinats. Dix ans plus tard, en 2018, nous apprenions que seulement 35 des 754 orphelinats du pays sont autorisés à fonctionner. Moins de 5% donc. Une goutte d’eau dans l’océan.
À l’IBESR et à la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) de la Police Nationale d’Haïti, des fonctionnaires compétents et dévoués s’essaient, avec de faibles moyens, à protéger les enfants. Je le sais, pour en avoir reçus, à Plaisance du Sud (et se rendre à Plaisance du Sud n’est pas exactement une partie de plaisir). Toutefois, le reste de la machine étatique ne suit pas. Obtenir des commissariats – eux aussi sous-staffés et sous-équipés – qu’ils surveillent et signalent des orphelinats clandestins, est une tâche pratiquement impossible. Aussi, faut-il se tourner vers le public et voici comment le faire, en 3 étapes :
- Identifier visiblement les orphelinats/maisons d’enfants accrédités. L’IBESR pourrait ici s’inspirer du système des hibiscus du Ministère du Tourisme auquel s’ajouterait le numéro de l’accréditation avec possibilité de vérification sur Internet – un QR code pourrait permettre d’aller vite.
- Mettre en place un numéro unique pour signaler les cas suspects. L’IBESR, la BPM et autres organisations intervenant sur la question telle l’UNICEF, pourraient lancer une vaste campagne de sensibilisation pour informer la population sur l’existence de ce système et l’inviter à aider à la régulation du secteur et la régularisation des maisons d’enfants. En attendant, vous pouvez contacter la BPM au 188.
- Maintenir une base de données en ligne avec des informations à jour sur les ouvertures, accréditations et fermetures d’orphelinats. En 2018, l’IBESR tablait sur la fermeture de plus d’une centaine d’orphelinats pour cette année. Le souci est que, une fois, un orphelinat officiellement fermé, il ne reçoit plus de visites des inspecteurs et donc peut rouvrir ses portes et continuer, comme celui de l’Église de la Compréhension de la Bible, à fonctionner sans s’inquiéter… jusqu’à ce qu’un incendie meurtrier les rappelle au souvenir de l’Institut.
Le crowdsourcing ne marche pas uniquement en cas de tremblement de terre ou de kidnappings. Il peut faire des merveilles pour un IBESR aux moyens limités.
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