La dette mondiale s’élève à 324 trillions de dollars, pour une production brute annuelle de 112 trillions, selon l’Institut de la Finance Internationale (IIF), soit un ratio de 289 %. Autrement dit, nous sommes collectivement endettés à hauteur de presque trois années de production. Pourtant, nous ne commerçons qu’avec nous-mêmes. Aucune planète du système solaire, ni même de la galaxie d’Andromède, ne viendra exiger remboursement. Cette dette est entièrement humaine, créée, gérée et supportée par nous seuls. Mais ce “nous” est tout sauf égalitaire.

Dette mondiale vs PIB mondial https://www.gstatic.com/charts/loader.js google.charts.load(‘current’, { packages: [‘corechart’] }); google.charts.setOnLoadCallback(drawDebtChart); function drawDebtChart() { var data = google.visualization.arrayToDataTable([ [‘Catégorie’, ‘USD (Trillions)’], [‘PIB mondial’, 112], [‘Dette mondiale’, 324] ]); var options = { title: ‘Dette mondiale vs PIB mondial (2025)’, legend: { position: ‘none’ }, colors: [‘#3366CC’, ‘#DC3912’] }; var chart = new google.visualization.ColumnChart(document.getElementById(‘debtChart’)); chart.draw(data, options); }

Ce ratio, bien plus qu’un simple indicateur macroéconomique, révèle l’architecture d’un système fondé sur l’emprunt perpétuel : une économie de la dette au service d’une société de consommation dopée à la spéculation et à l’inflation des actifs. La dette entretient ainsi une illusion de prospérité, tout en masquant un mécanisme d’extraction systémique dans lequel le fruit du travail est transféré vers ceux qui détiennent le capital.

La tendance est constante. Lors même que les revenus stagnent pour les classes populaires et moyennes, la fortune des plus riches croît à une vitesse démesurée. Le top 0,1 % de la population mondiale détient à lui seul environ 20 % de la richesse planétaire, alors que la moitié inférieure de l’humanité, soit près de 4 milliards de personnes, n’en possède que 2 % et cet écart s’accélère.

Répartition mondiale de la richesse https://www.gstatic.com/charts/loader.js google.charts.load(‘current’, { packages: [‘corechart’] }); google.charts.setOnLoadCallback(drawWealthChart); function drawWealthChart() { var data = google.visualization.arrayToDataTable([ [‘Groupe’, ‘Part de la richesse mondiale (%)’], [‘Top 0.1%’, 18], [‘Top 1%’, 38], [‘Top 10%’, 76], [‘Bottom 50%’, 2] ]); var options = { title: ‘Répartition mondiale de la richesse (2025)’, pieHole: 0.4, chartArea: { width: ‘90%’, height: ‘80%’ }, legend: { position: ‘right’ } }; var chart = new google.visualization.PieChart(document.getElementById(‘wealthChart’)); chart.draw(data, options); }


Ce type de concentration n’est pas inédit. Sous l’Ancien Régime, les physiocrates estimaient que seule la terre produisait de la richesse — or cette terre était monopolisée par une élite. Aujourd’hui, le capital financier, tout aussi exclusif mais encore plus insaisissable, a remplacé la terre. Les rentes sont désormais numériques, les élites sont globalisées, et les paradis fiscaux ont remplacé les fiefs.

Depuis les années 1970, cette dynamique s’est installée avec la bénédiction idéologique de l’école de Chicago et l et l’adhésion enthousiaste des gouvernements successifs à la dérégulation, à la privatisation et à la financiarisation de l’économie. La productivité mondiale a été multipliée par 6, mais les salaires réels n’ont même pas doublé. Pendant ce temps, les marchés boursiers ont été multipliés par 35 et l’immobilier par 13. Le travail humain a créé toujours plus de richesse, mais cette richesse a été captée, siphonnée vers les marchés financiers et les portefeuilles d’actifs.

Évolution comparée depuis les années 1970 https://www.gstatic.com/charts/loader.js google.charts.load(‘current’, { packages: [‘corechart’] }); google.charts.setOnLoadCallback(drawComparisonChart); function drawComparisonChart() { var data = google.visualization.arrayToDataTable([ [‘Indicateur’, ‘Multiplication depuis 1970’], [‘Productivité’, 6], [‘Salaires réels’, 1.9], [‘Marchés boursiers’, 35], [‘Immobilier’, 13] ]); var options = { title: ‘Évolution comparée depuis les années 1970’, hAxis: { title: ‘Indicateur’ }, vAxis: { title: ‘Multiplication’, minValue: 0 }, legend: { position: ‘none’ }, colors: [‘#3366cc’], chartArea: { width: ‘80%’, height: ‘70%’ } }; var chart = new google.visualization.ColumnChart(document.getElementById(‘comparison_chart’)); chart.draw(data, options); }

Cette extraction de valeur s’opère avec la complicité active des politiques fiscales. Les revenus issus du travail sont plus lourdement taxés que ceux du capital. Les entreprises utilisent leurs profits non pour investir dans l’emploi ou l’innovation, mais pour racheter leurs propres actions, augmentant artificiellement leur valeur boursière. Et quand les bulles spéculatives finissent par éclater, ce sont les États, c’est-à-dire les contribuables, qui viennent les sauver. En 2008, les banques ont été secourues ; les familles ont perdu leurs maisons. En 2020, des milliers de milliards ont été injectés dans les marchés financiers, tandis que des millions de personnes perdaient leur emploi ou s’enfonçaient dans la précarité.

Les inégalités d’aujourd’hui égalent, voire surpassent, celles du XVIIIe siècle. Avant la Révolution française, environ 15 % de la richesse était détenue par la noblesse. Aux États-Unis en 1929, le top 0,1 % possédait 25 % de la richesse nationale, tandis que la moitié inférieure n’en détenait qu’un fragment. Aujourd’hui, le déséquilibre est presque identique — avec une différence majeure : il est globalisé.

Projection de la répartition de la richesse https://www.gstatic.com/charts/loader.js google.charts.load(‘current’, { packages: [‘corechart’] }); google.charts.setOnLoadCallback(drawProjectionChart); function drawProjectionChart() { var data = google.visualization.arrayToDataTable([ [‘Année’, ‘Top 0,1 %’, ‘Bottom 50 %’], [‘2020’, 18, 2], [‘2025’, 19.5, 1.9], [‘2030’, 21, 1.7], [‘2035’, 22.5, 1.5], [‘2040’, 24, 1.3] ]); var options = { title: ‘Projection : part de richesse du Top 0,1 % vs Bottom 50 %’, hAxis: { title: ‘Année’ }, vAxis: { title: ‘Part (%)’, minValue: 0 }, series: { 0: { color: ‘#e2431e’ }, // Top 0,1 % 1: { color: ‘#6aa84f’ } // Bottom 50 % }, curveType: ‘function’, legend: { position: ‘bottom’ }, chartArea: { width: ‘80%’, height: ‘70%’ } }; var chart = new google.visualization.LineChart(document.getElementById(‘projection_chart’)); chart.draw(data, options); }

Le mythe libéral des Trente Glorieuses, période de croissance partagée et d’ascension sociale possible, a tout simplement disparu. Il a été remplacé par une société mondialisée où seuls les détenteurs d’actifs participent réellement à une croissance de plus en plus déconnectée de la réalité physique ou sociale. Si les tendances actuelles se poursuivent — et rien n’indique qu’elles s’inverseront —, le top 0,1 % pourrait détenir plus de richesse que l’ensemble de la classe moyenne mondiale d’ici 2040. Le premier trillionnaire — Elon Musk ou un autre — pourrait apparaître avant la fin de la décennie, pendant que 60 % de l’humanité ne connaîtra aucune progression réelle de son patrimoine.

Le modèle tourne en boucle. Le travail génère de la valeur. Cette valeur est captée par le capital. Les salaires stagnent, alors les ménages s’endettent. Le crédit facile alimente les bulles financières. Les bulles éclatent. L’État intervient pour sauver les marchés. La dette publique augmente. Et les inégalités se creusent. Puis le cycle recommence.

Dans ce monde nouveau, l’accès aux actifs (immobilier, actions, entreprises) est devenu la condition première de l’ascension sociale. Pour des milliards de personnes, cette porte est définitivement fermée. Même les cryptomonnaies, qui se voulaient alternatives, ont rapidement reproduit les inégalités structurelles du système qu’elles prétendaient réformer. Quelques « baleines » détiennent l’essentiel du Bitcoin. Les promesses d’émancipation se sont dissoutes dans la réalité de la spéculation et la fraude.

Loin de supplanter Wall Street, les cryptoactifs s’y sont intégrés, avec encore plus d’opacité. Évidemment. Parce que notre monde n’est pas naturel: il est humain. Il est le fruit de choix politiques, de mécanismes institutionnels, de récits économiques. Il est une construction : pensée, décidée, implémentée. Et cette construction se dresse à contre-courant de toute velléité de taxation réelle du patrimoine, de redéfinition du contrat social, de démocratisation de la propriété productive ou de rupture avec la logique de sauvetage asymétrique qui protège les grandes fortunes et sacrifie les travailleurs.

Car si la planète « doit » le triple de ce qu’elle produit à elle-même, ce n’est pas que sa richesse ait disparu mais plutôt qu’elle a été captée.

Une réponse à « La planète doit le triple de ce qu’elle produit annuellement »

  1. […] [Entre parenthèses, P. : trois jours, c’est peu pour répondre à une demande — un peu de patience pour une pauvre blogueuse qui croule sous les obligations, qui lance dans une semaine l’un de ses projets les plus chers, et qui doit, parfois, prendre le temps de vivre. D’autant qu’un jour plus tôt, elle venait tout juste de traiter le même sujet à l’échelle mondiale.] […]

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