Trois ans après le magnicide de juillet 2021, nous continuons de découvrir ce que nous savions déjà : les États-Unis ne sont pas étrangers à ce crime.
L’opération a commencé avec un Haïtiano-Américain – ancien informateur de la DEA – annonçant par porte-voix qu’il s’agissait d’une opération de l’agence anti-drogue américaine. La conspiration a été orchestrée depuis la Floride. De nombreux participants sont ou ont été des informateurs de la DEA ou du FBI. Ce même FBI qui s’est immédiatement rendu sur place pour une enquête dont les résultats se font toujours attendre. Hier, 18 août toutefois, nous apprenions, grâce à des documents judiciaires, via The Gray Zone, que l’un des financiers du coup d’État contre Jovenel Moïse, l’homme d’affaires floridien Walter Veintemilla, avait reçu un avis juridique d’un informateur d’une agence de renseignement américaine soutenant la mission de capture.
L’informateur, dont nous ne connaissons que les initiales, J.C., est un avocat équatorien vivant en Bolivie. Et savez-vous ce qui s’est passé d’autre en Bolivie ? Les co-accusés de Veintemilla, Arcangel Pretel Ortiz – informateur du FBI – et Antonio Intriago – propriétaire de la compagnie de sécurité ayant conduit l’exécution de Jovenel Moïse financé par Veintemilla – auraient, selon le gouvernement bolivien, fomenté une tentative de coup d’État avortée en octobre 2020 contre le président Luis Arce. Encore plus intrigant, l’officier colombien à la retraite German Alejandro Rivera Garcia, condamné à perpétuité à la fin de l’année 2023 pour avoir aidé à diriger l’équipe d’exécution en Haïti, se trouvait lui aussi en Bolivie à la même époque.
Tout semble indiquer que ces messieurs dirigent depuis la Floride une petite officine dédiée aux coups d’État, où des informateurs d’agences fédérales américaines à trois lettres tentent de modeler l’Amérique latine à leur image et à leur ressemblance. C’est à donner la nostalgie de cette époque où une CIA, dirigée par le frère du PDG de la United Fruit Company, lançait l’opération PB Success pour déloger un Jacobo Árbenz s’opposant à la transformation du Guatemala en république bananière. Cette époque avait une aura de mystère, un côté « cloak and dagger » qui conférait un certain gravitas à ces actions. Aujourd’hui, nous devons nous contenter de minables hommes d’affaires, de mercenaires de seconde zone et une kyrielle de misérables : un pasteur sans fidèles, une juge inapte, des policiers affamés… Le tout est décevant.
En attendant, Jovenel Moïse est mort de sa belle mort. Certains sont prompts à conclure que le maître du chat a mangé le chat, au grand étonnement des fous. Le Blan, nous l’avons vu, est un Léviathan spontané qui fait ce qu’il veut. Certain prêtre défroqué, pour l’avoir vécu deux fois en deux mandats, peut en témoigner. La réalité est sans doute moins excitante toutefois. Ou, à tout le moins, le maître ici n’est pas forcément celui que l’on pense.
La vraie question demeure comment un président de la République, sachant qu’il était la cible d’un coup d’État, et qui se vantait de rester en travers de la gorge de ses ennemis, a-t-il pu se faire abattre aussi facilement, dans une maison sans défense située dans une ravine ? Certes, il avait confiance en Dimitri Hérard, mais comme le chantait leur mentor à tous les deux : le poisson fait confiance à l’eau toute sa vie, et c’est pourtant l’eau qui finit par le cuire.





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