Messieurs !

Voilà bientôt trois mois que je suis partie d’Haïti pour deux semaines. Trois mois depuis que je suis prise dans un Deyò Deyò Nèt impassible. Trois mois depuis que, comme trop de compatriotes, je suis forcée de vivre loin de chez moi. Je vous épargne l’angoisse et l’incertitude au quotidien, la peur de devoir refaire sa vie ailleurs ou même les coûts exorbitants des Airbnb qui ne sont tout de même que la moitié des frais d’hôtel. Le plus frustrant c’est de voir « la solution haïtienne » que nous avons attendue depuis bientôt trois ans se transformer en problème gigantesque pour des raisons injustifiées et injustifiables.

Ces deux derniers mois ont été parmi les plus difficiles de ma vie. Stress, anxiété, déception. À des niveaux inégalés. L’impression angoissante que tout s’effondre. Que mon engagement de plusieurs décennies, mon amour inconditionnel, mes efforts inlassables n’ont servi à rien. L’impression d’avoir perdu mon temps. Irrémédiablement. L’impression d’avoir parié sur le mauvais cheval. Comme une certitude perverse que cela ne pouvait se terminer autrement, que l’issue était prédéterminée.

Aujourd’hui, je veux que mon pays se batte pour moi comme je me suis toujours battue pour lui, pour que je puisse continuer à me battre pour lui. Parce que je n’existe qu’avec lui, je ne me comprends pas sans lui, je ne veux pas envisager ma vie sans lui. Je veux que mon pays me dise, « Patricia, nous pouvons encore tout changer, nous pouvons y arriver, cela peut marcher. » Et voyez-vous, messieurs, même en l’absence d’un coup d’État dans les règles, c’est vous qui avez pris la tête de mon pays. Cela vient avec des obligations envers moi, personnellement, qui veux rentrer chez moi.

Messieurs!

Ma foi en Haïti s’effrite à une vitesse qui m’effraie et il me faut la retrouver. Il vous faut me la redonner. Je vous aiderai même. Mais lorsque vous avez brigué la présidence d’Haïti, c’est ce à quoi vous vous êtes engagés. Alors, dépêchez-vous! Ma patience est limitée. Et celle du peuple haïtien qui vit mon désespoir actuel au centuple l’est encore plus.

3 réponses à « Je veux rentrer chez moi »

  1. Avatar de Jupille Facile
    Jupille Facile

    Madame, ou dirait exactement ce qui se passe dans ma tête. je suis tellement nostalgique ces jours_ci que mes cheveux sont en train de blanchir.

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  2. […] évitait et qui me revenait par défaut parce que j’étais la nerd de service. Voir ces messieurs s’efforcer tant pour une tâche aussi ingrate semble indiquer qu’il y a quelque chose […]

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  3. […] lieu à des échanges aussi relevés qu’une sauce Ti-malice … mais si et seulement si, pour notre bonheur et l’édification du peuple haïtien, ces messieurs sont prêts à jouer le jeu devant les […]

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