N’étant finalement pas membre du Conseil présidentiel pour cause de poisson d’avril, reprenons notre programmation habituelle pour parler de la nouvelle solution sexy que nous offrent ces derniers jours les juristes de la République désormais réveillés de leur long sommeil ariélien: le choix d’un juge de la Cour de Cassation pour présider aux destinées de la nation.

Pour éviter d’avoir un président de facto, les deux groupes proposent, en toute logique, de recourir à une constitution de facto; la Constitution amendée – en dépit de l’irrégularité de cet amendement – ayant été reconnue, validée, pratiquée par les plus hautes instances de l’État, le système judiciaire et la confrérie des juristes dont ceux vantant aujourd’hui les mérites de l’article 149 du millésime 1987 originel.

ARTICLE 149:
En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit, le Président
de la Cour de Cassation de la République ou, à son défaut, le Vice-Président de cette Cour ou à
défaut de celui-ci, le juge le plus ancien et ainsi de suite par ordre d’ancienneté, est investi
provisoirement de la fonction de Président de la République par l’Assemblée Nationale dûment
convoquée par le Premier Ministre. Le scrutin pour l’élection du nouveau Président pour un
nouveau mandat de cinq (5) ans a lieu quarante-cinq (45) jours au moins et quatre-vingt-dix (90)
jours au plus après l’ouverture de la vacance, conformément à la Constitution et à la Loi
Electorale.

Constitution de 1987, version française, non (faussement et frauduleusement) amendée

L’article 149 a effectivement le mérite d’établir une procédure claire et ordonnée pour assurer la continuité de la présidence de la République en cas de vacance : désigner un Président intérimaire chargé d’organiser rapidement une élection pour un nouveau mandat présidentiel. Là toutefois s’arrête la simplicité de l’argumentaire. La vacance présidentielle envisagée se fait dans un cadre où les autres institutions continuent de fonctionner.

L’article 149 assume le fonctionnement normal d’une Cour de Cassation dont le Président, le Vice-Président ou le juge le plus ancien serait investi de la fonction présidentielle, et ainsi de suite par ordre d’ancienneté. La Cour de Cassation actuelle a reçu, il y a un an, de la manière la plus irrégulière qui soit, un influx de 8 juges nommés de facto par un Premier ministre de facto sur la base d’une procédure de facto. Même en ignorant le caractère illégal de la nomination des juges, nous butons sur deux autres obstacles majeurs : 1) la procédure de convocation de l’Assemblée Nationale et 2) l’organisation d’élections dans un délai de 45 à 90 jours.

Le premier obstacle est infranchissable. L’Assemblée Nationale doit être convoquée par le Premier Ministre pour procéder à cette désignation intérimaire. En l’absence de parlementaires élus, l’assemblée nationale qui réunit les deux chambres hautes et basses ne peut-être convoquée et, bien sûr, un premier ministre démissionnaire n’aurait pu la convoquer de toute façon.

Alors, quelle différence entre la nomination d’un Conseil présidentiel en attente de visas de la CARICOM ou celle d’un juge de facto élevé à la présidence ? Aucune en termes de praticabilité, de légalité ou même de légitimité. Encore que, comme me le disait plus tôt un ami, on peut comprendre qu’on veuille que le pays soit présidé par « une personne plutôt qu’un conglomérat de politiciens qui signent un truc qui n’engage personne, parce que, après tout, même une bande de rara a son major jonc ». Mais, dans ce cas, autant faire un coup d’État dans les règles.

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