Je me réjouis que vous suiviez de près l’actualité internationale, messieurs – cela pourrait vous inspirer de meilleurs sentiments quant au processus démocratique. Les élections présidentielles au Sénégal ont porté un quadragénaire bigame à la magistrature suprême, et je salue cette représentation. Je ne sais pas ce qui, dans ma position féministe, vous fait croire que je suis contre la polygamie mais je peux vous assurer que je ne m’y oppose pas. Sur ce point, je suis, comme l’auteur biblique, agnostique.
J’ai toujours été pour que tous.tes aient la loi de leur corps. Un être humain devrait être libre d’être en couple, en trouple, en quadrouple … Tant que tout le monde est consentant, cela ne me concerne en rien. Bassirou Diomaye Faye n’a pas été élu pour diriger une église évangélique mais un État. Au Sénégal où le statut de première dame n’existe pas et où 35,2 % des ménages sont polygames, il est simplement un homme de plus qui a plus d’une femme.
Je vous entends déjà me rappeler que Marième Faye Sall, épouse de Macky Sall, est l’actuelle première dame du Sénégal, la première d’ailleurs à être noire, ce qui était une petite révolution dans un pays où les précédentes étaient d’origine française ou libanaise. Mais il s’agit là d’un raccourci journalistique pour dire épouse du président. Le nouveau en ayant deux, on dira les deux premières dames. Problème résolu.
J’ai bien sûr quelques réserves mais elles tiennent au caractère androcentré de la pratique au Sénégal et aux risques d’exploitations qui en découlent. Le Sénégalais polygame est un homme polygyne et non une femme polyandre – nous ne sommes pas chez les Irigwe – et encore moins un homme polyandre – l’homosexualité y est illégale et violemment réprimée.
Le Sénégalais polygame est généralement un homme plus âgé décidant, avec le consentement douteux de sa première femme, de prendre une nouvelle épouse qui pourrait être leur fille. Je constate que ce n’est pas le cas de leur nouveau président, et c’est tant mieux.
Le Code de la famille sénégalais dans ses articles 122 et 123 précise les conditions du mariage polygame – consentement de la première épouse et moyens financiers suffisants – et les procédures pour qu’un homme puisse prendre une deuxième, troisième ou quatrième épouse. Pour le législateur sénégalais, les femmes sont des êtres à épouser et non des êtres qui épousent.
Vous avouerez, Messieurs, que ce n’est pas très égalitaire tout cela et Monsieur Faye dont l’agenda tourne autour de la lutte conre la pauvreté, la corruption et l’injustice pourrait sans doute devenir la personne idéale pour promouvoir l’égalité dans la polygamie, étant lui-même polygame. À la prochaine rencontre de la gent masculine, parlez-lui-en.





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