Partis en fumée

Hier soir, j’ai été la première à retweeter le SOS de la journaliste Amélie Baron. Par réflexe. Sans vraiment y croire. Parce que, la radio Kiskeya en feu, ce n’était pas très crédible. Elle n’est qu’à 5 minutes de la caserne de pompiers au Champ de mars. Tout ira bien.

Puis arrivèrent les photos, les vidéos, les tweets multiples documentant la terrible destruction d’un monument à cette liberté d’expression durement acquise à la fin de la dictature. Deux heures plus tard, un Tweet de Frantz Duval, rédacteur en chef au Nouvelliste, viendra confirmer l’ampleur du sinistre. Le constat est implacable : Il ne reste plus rien.

Après, tout s’est passé comme dans un mauvais rêve. Un pantomime absurde où un Premier Ministre vient apporter son soutien et serrer dans ses bras une icône du journalisme haïtien régulièrement harcelée, vilipendée, menacée par le parti au pouvoir et ses sympathisants. Un chef de gouvernement venant proclamer son impuissance face à un incendie de plus pour lequel on n’a rien pu faire parce que rien n’est jamais fait. Marchés. Compagnies téléphoniques. Banques. Maisons privées. Rien. Pas d’eau. Pas de pompiers. Pas de camions. Pas de Mairies. Pas d’État.

La radio Kiskeya ce n’est pas seulement une radio. La radio de l’île est une véritable institution, un patrimoine national. Des centaines de milliers d’heures d’archives sur notre histoire récente, notre lutte contre la dictature et les autoritarismes droites et gauches qui ont suivi. C’est l’histoire de journalistes qui ont accompagné notre lutte constante pour une Haïti meilleure, une Haïti qui soit nôtre, l’Haïti que nous voulons. C’est l’histoire d’une station qui n’a jamais eu peur d’être différente, fermement installée dans son rôle de critique. C’est l’histoire d’émissions cultes, de positions controversées, de potins politiques, d’éditoriaux édifiants.

Hier soir, cette maison faite d’histoire est partie en fumée. Parce que nous continuons de nourrir un État corrompu où nous sommes livrés à nous-mêmes. Sans en questionner la pertinence, la légitimé. Alors même qu’il nous coûte plus cher d’année en année, en offrant toujours moins de services en retour.

Je n’ai pas le moindre doute que la radio Kiskeya survivra au-delà de ces cendres. Ils ont vu pire. Ils s’en sortiront. Certain.e.s d’entre nous aideront. Nous pourrons écouter à nouveau, en créole, le jounal katrè. Ce qui m’inquiète toutefois c’est la quasi certitude que, cette fois encore, rien ne sera fait. Rien. Pas d’eau. Pas de pompiers. Pas de camions. Pas de Mairies. Pas d’État. Jusqu’au prochain incendie.

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