La politique ne s’improvise pas, surtout quand on s’entoure d’amis inexpérimentés venus donner un coup de main. C’est ainsi que l’on se retrouve avec des idées parfaitement absurdes, comme celle de vouloir, pour un nouveau Premier ministre, convoquer un Conseil des ministres avec des membres démissionnaires, et pire encore, d’aller se plaindre à la presse de ne pas pouvoir le faire. Cette nouvelle maladresse expose une incompréhension flagrante des implications d’une initiative qui, non seulement réinstaurerait ces ministres démissionnaires dans leurs fonctions mais transformerait également le Dr Garry Conille en un général sans troupes, obligé de composer avec les soldats de son prédécesseur, le Dr Ariel Henry.

L’analogie est tentante mais le peuple haïtien n’est pas une patientèle dont on hérite en reprenant la pratique d’un confrère. L’État haïtien n’est pas un cabinet médical. Malgré ses défaillances, il demeure une entité politique à part entière qu’il faut gouverner et administrer avec rigueur et compétence. La situation à la tête d’un gouvernement est très différente de la direction d’un bureau régional de l’ONU, où l’on peut effectivement se présenter et travailler avec une équipe déjà en place, dédiée à des tâches précises et non politiques. Le poste de Premier ministre est une fonction éminemment politique, et l’ampleur des responsabilités et des décisions à prendre est d’une tout autre magnitude.

La politique est profondément enracinée dans le pouvoir, l’influence et les relations, bien au-delà des simples tâches administratives ou des objectifs humanitaires d’une entité comme l’ONU. Le Premier ministre doit s’entourer de conseillers qui possèdent une connaissance approfondie des institutions haïtiennes et de la manière dont elles interagissent avec le pouvoir politique. Toute prise de décision doit être guidée par une vision claire et une stratégie cohérente, élaborées par une équipe capable de comprendre et de répondre aux réalités du terrain.

L’histoire est riche en dirigeants égarés par des influences malavisées. Dans l’Antiquité, en 53 av. J.-C., le général romain Marcus Licinius Crassus, sous l’influence de stratèges incompétents, conduisit son armée à une défaite humiliante et, accessoirement, à sa propre mort à la bataille de Carrhes. Dans le Livre des Rois (1 Rois 12), Roboam, le fils de Salomon, perdit le soutien de son peuple en écoutant les jeunes gens avec lesquels il avait grandi, plutôt que les anciens qui avaient conseillé son père. En Haïti, le fils d’un médecin dictateur, en suivant les avis de jeunes ambitieux plutôt que ceux des anciens conseillers de son père, précipita – pour notre bonheur – la fin de sa dynastie.

Un chef, qu’il soit roi, général, président ou Premier ministre, doit s’entourer de conseillers compétents et avisés. Haïti mérite un leadership éclairé et des décisions politiques prises avec discernement. Le pays ne peut se permettre le luxe de l’amateurisme en des temps aussi critiques.

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