Pour sa dernière intervention à l’UNESCO, l’Ambassadrice Dominique Dupuy, nous a offert un discours encensé par la critique et vite devenu viral sur les réseaux sociaux. On s’extasia devant un discours émouvant, qui donne la chair de poule et fait pleurer de tout son corps. Cette voix haïtienne, celle du pays, qui s’est élevée pour parler pour nous, pour rappeler que nous sommes en vie, qu’il existe encore un pays à sauver et quelque chose à propos de la soup joumou. Ah et un ayibobo, à la fin d’un discours dont l’éloquence, l’excellence, l’efficience avaient séduit et redonné espoir.

Probablement acariâtre du fait d’un exil forcé, je suggérai que nous gagnerions peut-être à des interventions plus simples et directes sans fioritures et autres artifices rhétoriques.

En privé, certains sont venus confirmer ma lecture. C’était plutôt creux. Ils voyaient mal en quoi un tel discours à l’UNESCO allait bien pouvoir aider. Nous sommes trop susceptibles aux phrases bien tournées et ce sera notre perte. Mais le sentiment général, en public à tout le moins, était que ce discours patriotique était une lueur d’espoir, une indication claire qu’il y avait encore de la compétence chez les représentants d’Haïti, une preuve que c’était encore possible pour nos responsables de s’élever à la hauteur de leurs responsabilités … jusqu’à ce que, hier, nous apprenions que Madame Dupuy s’était décidée à s’élever à de plus grandes responsabilités en rejoignant le futur Conseil présidentiel qui, pour être voué à l’échec, n’en est pas moins destiné à diriger nos destinées.

En moins de vingt-quatre heures, le vent a tourné. Voilà Mme Dupuy, patriote d’hier devenue abolotcho aujourd’hui. Rien, absolument rien d’autre n’a changé. Son discours que l’on se proposait d’imprimer et d’encadrer, et que l’on recommandait de faire passer sur toutes les radios de la République, à toutes les heures, pendant au moins une semaine, n’est plus bon que pour la poubelle. Ironiquement, c’est en passant des paroles aux actes, qu’elle se fait déméritante. Possiblement parce que, céans, militer se réduit souvent à une parole indignée. Mais sans doute parce que les relations parasociales s’y installent à une vitesse inouïe et qu’il suffit de quelques phrases bien tournées pour qu’un public croit vous posséder et avoir des droits sur ce que vous dites et faites.

Au mois de décembre dernier, un bonhomme atteint du syndrome du protagoniste, sous l’influence d’une diplomate mégalo, menaça de me poursuivre en diffamation, avant de conclure que j’étais évidemment payée pour lui nuire, à lui qui n’intéresse personne, mais absolument personne et certainement pas moi. À l’époque, j’ai bien ri de la blague. Elle m’était familière. Aussi familière que les projections de consciences coupables s’empressant d’accuser l’autre de crimes dont elles ont honte.

En 2021, par exemple, lors d’une réunion zoom pour le travail – une consultation sur un projet international – un autre participant bien informé a même eu la gentillesse de nous prévenir qu’il fallait se méfier de « laloidemabouche » parce qu’il a été prouvé, établi, certifié, que ses billets étaient grassement payés et qu’il s’agissait de commandes de ses bienfaiteurs. Naturellement, je demandai des détails – il ne pouvait les donner, ce serait, disait-il, trop long à expliquer – avant de le remercier d’avoir bien voulu partager cette information importante d’autant que c’est moi qui tenais le blog et qu’avant cette rencontre, en toute humilité, je ne savais pas.

Sur les réseaux sociaux également, j’ai appris énormément sur la montagne d’argent que je me serais faite en vendant ma plume et quand cinéastes et journalistes s’entendent pour (d)écrire le récit, j’avoue qu’il est difficile de ne pas être tentée d’y croire soi-même. Mais, j’étais moi, et mes relevés bancaires ne montraient aucune trace de telles transactions – j’ai dû me rendre à l’évidence que j’étais une bien piètre mercenaire de l’écriture.

Mais bon, dans la vie, il y a pire.

6 réponses à « J’y crois donc c’est vrai »

  1. […] Dominique Dupuy dont la nomination avait provoqué des pleurs et des grincements de dents chez des fans à la relation parasociale rapide, a décidé de se retirer de la liste des nommés, expliquant qu’elle avait été victime de […]

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  4. […] discours de M. Leblanc a touché une corde sensible en Haïti. Évidemment. Comme les fameuses interventions d’une ancienne représentante d’Haïti à l’UNESCO, il ramène les Haïtiens à […]

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  5. […] de Transition à qui nous devons certaine lettre particulièrement efficace. Ce discours, comme il est de coutume, vous a tellement touchés que vous n’avez cessé de me l’envoyer, la présentant comme celui […]

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  6. […] Et puis, bien sûr, il y a toutes les traditions culinaires, musicales, culturelles que nous partageons — excusez du peu — collectivement.Et je ne parle pas seulement de la soupe joumou, qui parle tellement au collectif que son inscription au patrimoine immatériel de l’UNESCO déclenche des carrières politiques. […]

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