Si je dois encore entendre un Haïtien de la diaspora pérorer sur l’occupation prochaine de la terre de Dessalines par des bottes étrangères, je vais péter un câble. Aujourd’hui, les gangs, dans leur infinie sagesse, annoncent la révolution et, avec elle, l’attaque coordonée, sur la seule et même journée, d’écoles, d’universités, de quartiers, de l’académie de police et même de l’aéroport. Des milliers d’Haïtiens sont une fois de plus obligés de fuir leurs maisons, sans idée de l’avenir, alors que les gangs promettent une grande mobilisation nationale, où leurs frères armés vont travailler à renverser le gouvernement, le système, et, je suppose, la nation toute entière. Pendant ce temps, celui qui sert de chef d’État à cet État sans État est en voyage et promet des élections pour la fin de ce qui semble devoir être son quinquennat. C’est un drôle de cocktail pour discourir sur la nécessité de préserver la terre de Dessalines de bottes étrangères, surtout quand soi-même on s’est éloigné de la terre de Dessalines pour se réfugier en terres étrangères.

Nous ne sommes pas aux premières bottes étrangères sur la terre de Dessalines. Ces derniers temps, ces bottes sont même particulièrement régulières pour des résultats souvent décevants, mais il est évident que nous ne contrôlons plus rien et qu’il nous faut de l’aide. Et, même si rien ne permet de l’affirmer avec certitude, la possibilité que l’arrivée prochaine de la force multinationale n’est peut-être pas étrangère à cette énième grande entente des chefs de gang du pays.

Depuis quelques jours, je suis à l’extérieur du pays. C’est calme. Personne ne pense à la prochaine rafale de balles, au prochain kidnapping, à la prochaine victime des gangs (près de 4000 morts pour le début de l’année). C’est un luxe dont vous, messieurs et dames discoureurs de la diaspora, bénéficiez tous les jours. Pas moi, qui repars sous peu vers la terre de Dessalines, parce que, voyez-vous, moi j’y vis encore.

Que les Haïtiens qui sont en Haïti aient des réserves par rapport à la mission multinationale de soutien à la sécurité – la très grande majorité l’attend depuis le magnicide du 7 juillet, avant même qu’elle n’ait été conçue et nommée – je veux bien. Quand on vit dans l’enfer, il est permis d’avoir des opinions tranchées sur comment en sortir. Mais quand on a fui l’enfer pour se réfugier au paradis, la décence demande qu’on se garde de se faire les porte-paroles de ceux et celles qui, tous les jours, doivent faire face, de la plus brutale façon, à leur mortalité.

Nous pouvons parler tout seuls. Et puis, si la terre de Dessalines vous était si précieuse, il fallait y rester.

2 réponses à « Si vous avez laissé la terre de Dessalines, peut-être serait-il temps d’arrêter de penser pouvoir décider pour elle »

  1. Avatar de jacqueline loubeau
    jacqueline loubeau

    Il était temps que quelqu’un leur remette les pendules à l’heure. Merci !

    J’aime

  2. […] une fascination morbide semble exister pour la descente continuelle dans le chaos caractérisant la terre de Dessalines. Le choix des sujets, des images, voire des intervenants témoignent d’un désir […]

    J’aime

Répondre à jacqueline loubeau Annuler la réponse.

Trending