Aujourd’hui est dimanche. Ma mère est à l’Eglise. Mon père, chrétien de salon, m’interpelle sur la conscience des bandits. Princesse, penses-tu que les bandits aient une conscience ? – Cela dépend de ce que tu appelles conscience. Et nous voilà partis dans une longue discussion sur le crime, la psychopathie, les peccadilles, la condition humaine et, puisqu’on est dimanche, le génocide. Oui, le génocide. Plus précisément, le génocide dans la Bible.
Car tu dévoueras ces peuples par interdit, les Héthiens, les Amoréens, les Cananéens, les Phéréziens, les Héviens, et les Jébusiens, comme l’Éternel, ton Dieu, te l’a ordonné
Deutéronome 20:17
Dans la livraison de la Terre Promise à son peuple élu, Yahvé s’est montré d’une violence terrifiante. Et, en ces temps particuliers où le premier ministre israélien brandit la référence à Amalek pour justifier sa « détermination à éliminer complètement ce mal de ce monde » et que l’Afrique du Sud en use pour accuser Israël de génocide contre le peuple palestinien, l’on est en droit de se poser quelques questions.
La plus pressante de ces questions est sans doute la définition du terme « génocide ». Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que cela implique ? Comment savoir si nous assistons à un génocide en Haïti – la réponse est non – ou à Gaza – la cour internationale de justice nous donnera sa réponse dans un an ou plus ? En attendant, le plus simple est sans doute de se référer à la convention de 1948 sur la prévention du génocide.
Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, article 2
a) Meurtre de membres du groupe;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.
Nous pouvons voir aisément pourquoi dans le cas d’Haïti la question ne se pose pas tandis que dans le cas d’Israël, elle mérite d’être creusée. Mais nous ne parlions pas de Gaza. Nous parlions de la Bible – on est dimanche – et nous allons y rester, à tout le moins aujourd’hui.
La Bible, nous disaient les sœurs en classe de septième année fondamentale, est l’histoire de Dieu à travers un peuple. Et quelle histoire, c’était ! Une histoire faite de victoires spectaculaires du peuple élu quand il était loyal et de défaites dévastatrices quand Israël se détournait de son Dieu. Je suppose que c’était une façon comme une autre de nous apprendre l’importance de la loyauté et de l’obéissance à l’autorité. « Je sers » proclamait notre devise. Et ce service était dédié à l’Eglise, le Christ et la Patrie. Et pas de n’importe quelle manière. De tout notre cœur. « Une voix parle au fond de mon cœur, c’est la voix de [mon Seigneur/ mon école/ ma patrie] qui me dit ‘veux-tu?’ « . À cette voix, comme Marie, notre modèle, nous répondions oui, fiat, « je le veux jusqu’au bout ».
Nous n’étions pas du peuple élu mais, par Jésus, nous étions devenus filles de Dieu prêtes à le servir « jusqu’au bout ». Imaginez ce que ce serait si Dieu nous avait choisies et rien que nous parmi tous les peuples !
dans les villes de ces peuples dont l’Éternel, ton Dieu, te donne le pays pour héritage, tu ne laisseras la vie à rien de ce qui respire.
Deutéronome 20:16
Dieu a tout créé (Colossiens 1:16-17). Il sait tout (Psaume 14:2-3). Il connaît le cœur des hommes (Romains 8:27). S’il dit de passer une ville au fil de l’épée, c’est qu’il faut la passer au fil de l’épée. Le Dieu de Sodome et Gomorrhe, le Dieu du Déluge, n’a pas à s’embarrasser de considérations morales; Il est Dieu. Il connaît les projets qu’il a formés pour nous (Jérémie 29:11).
Est-ce à dire que Dieu serait coupable de génocide ? La réponse courte est non. Dieu n’est pas soumis aux lois humaines. Il est Dieu. La longue réponse est également non. Pour des raisons évidentes dont la difficulté d’établir la culpabilité de Dieu devant une cour de justice. Serait-ce donc Israël le coupable de génocide ? Si l’on ignore le fait que la guerre à l’époque biblique impliquait l’anéantissement de l’ennemi comme préalable à sa conquête – on pense ici au dialogue mélien quant à la justice en présence de forces inégales. Si l’on oublie le caractère anachronique d’une telle démarche quand nous n’avons de « preuves » que des récits bibliques à l’historicité douteuse. Si nous faisons fi du fait que ces histoires de victoires totales et fulgurantes ont été écrites par un peuple à qui nous devons le terme de diaspora parce qu’il a été contraint de se déplacer de pays étrangers en pays étrangers après avoir été complètement vaincu par ses ennemis.
Voir ces récits bibliques comme une revenge fantasy à la Quentin Tarantino aide à les replacer dans le contexte sans doute plus juste de l’existence tragique d’un peuple qui a longtemps peiné à trouver sa place. La Bible serait alors l’histoire d’un peuple longtemps humilié qui s’invente un Dieu supérieur à tous les autres, le seul vrai Dieu™️ (Deutéronome 6:4) qui choisit « un peuple spécial entre tous les peuples répandus sur la terre » (Deutéronome 14:2) pour contracter une alliance (2 Rois 17:38).
Je ne me suis pas intéressée assez longtemps au sujet – et peut-être qu’ici les historiens.nes pourraient aider – mais je ne serais pas surprise que l’Histoire d’Israël soit la seule où tant de défaites cuisantes sont répertoriées dans les moindres détails. Vous ne voyez pas l’Histoire de France s’étendre sur Vertières. Il a même fallu attendre 2019 et l’arrivée d’un écrivain d’origine haïtienne à l’Académie française pour que le mot intègre un dictionnaire français. A contrario, Israël nous parle à loisir de toutes ces fois où Dieu l’a abandonné à ses ennemis parce qu’il aurait abandonné Dieu. Les prophètes se relaient pour invectiver ce peuple « élu » à qui arrive pourtant tant de malheurs. Serait-il possible que pour réduire la dissonance cognitive issue d’un tel paradoxe ce peuple se soit mis à exagérer – inventer ? – ses prétendues victoires ?
Ce ne serait pas la première fois. Savez-vous quelle autre histoire fantastique nous retrouvons dans la Bible? Celle de braves Israélites réduits en esclavage par de méchants Égyptiens pour construire les pyramides.





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