Hier soir, alors que l’infosphère haïtienne était en ébullition à propos de la «fuite ratée» de l’ancienne Directrice générale adjointe de l’ONA, l’ancien secrétaire d’État à la communication de Jovenel Moïse, Frantz Exantus, a lancé l’alerte sur son compte X concernant une prochaine tentative de fuite de l’ancien DG de l’ONA, Jemley Marc Jean-Baptiste. Ce dernier aurait prévu de se déguiser en femme pour traverser clandestinement la frontière en direction de la République Dominicaine. M. Exantus a exhorté le commissaire du gouvernement à prendre des dispositions pour empêcher cette fuite.
L’information circule principalement à travers quelques petits médias en ligne et est partagée dans les groupes WhatsApp, mais sans susciter beaucoup d’intérêt. Intriguée, j’ai tout de même décidé de consulter la publication originale pour mon édification personnelle. Je n’étais pas préparée à me retrouver face à une telle nonchalance à l’égard d’une agression sexuelle contre une femme. Même après avoir j’ai participé à la production d’un podcast sur la culture du viol en Haïti. Même après avoir lancé la campagne #PaFèSilans.
En réponse à la publication, un sympathisant du parti politique EDE semble suggérer que le SOS de M. Exantus a des motifs personnels. Il prétend que l’ancien DG aurait cherché à avoir des relations sexuelles avec la femme de l’ancien secrétaire d’État, une employée à l’ONA, en échange d’une promotion. Le tout est accompagné d’un smiley parce que, qu’y a-t-il de plus hilarant qu’une femme confrontée à des avances non sollicitées de son supérieur pour progresser dans sa carrière. Le plus sidérant toutefois reste la réaction du mari, débutant sa réponse par un « Tu me fais rire » avant de préciser que son combat est contre la corruption et non l’incapacité d’un homme à se contrôler en agressant les femmes. Il laisse entendre toutefois que l’affaire ne s’arrêtera pas là. N ap vini. Poze.
À cette réaction, l’interlocuteur de M. Exantus laissera deux réponses. Dans la première, il confirme l’agression – toute l’ONA serait au courant – et en profite pour mettre en doute la partialité du DG de l’ULCC dans les rapports de l’institution sur l’ONA. La seconde plus générale soutient que les femmes liées à nos politiciens se retrouvent toutes à l’ONA, où ces derniers font des demandes de prêts et sont impliqués dans des actes de corruption. La conversation n’alla pas plus loin.
Ce sont là des allégations très sérieuses qui soulèvent des questions importantes sur les dynamiques de pouvoir, le harcèlement sexuel et la réaction face à de telles situations. Elles méritent d’être traitées avec sérieux et respect et non à des fins de récupération politique bon marché. Cette regrettable conversation rappelle à quel point les violences sexuelles sont aisément minimisées voire ridiculisées. La participation du mari à cet échange n’en est que plus désolante.
En Haïti, la violence sexuelle est un problème majeur qui a récemment été exacerbé par la violence des gangs, entraînant une augmentation significative des cas de viols collectifs et de viols liés aux enlèvements. Outre le problème des gangs, la violence domestique reste préoccupante (30 % des femmes haïtiennes âgées entre 15 et 30 ans ont été victimes de violences sexuelles de la part d’un partenaire intime), tout comme la violence dans le sport, notamment dans le football. Ces formes de violence continuent d’affecter les femmes haïtiennes dans un climat généralisé d’impunité, où l’accès à la justice demeure inaccessible. Les processus prévus par la loi haïtienne sont souvent entravés par des obstacles et des dysfonctionnements au sein des institutions concernées.
Nonobstant, il est crucial de continuer à élever la voix pour sensibiliser, dénoncer et partager ces cas de violence sexuelle. Il est important de continuer mettre en lumière ces réalités souvent cachées, de faire pression sur les autorités pour garantir un accès équitable à la justice et de soutenir les victimes en leur offrant un soutien adéquat. Il est impératif de continuer à ne #PaFèSilans. Même et surtout quand la culture du viol s’efforce assidûment de nous décourager.





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