Tôt ce matin, un ami m’a rappelé d’être prudente en me rendant au travail. Hier, des amis de l’étranger m’ont appelé pour s’assurer que j’allais bien et que j’allais faire attention. Les manifestations contre la loi des finances 2017-2018 continuent aujourd’hui et j’anticipe comme hier, comme toujours, les commentaires nombreux condamnant la violence de « ce peuple » trop bête pour se rendre compte que ces propriétés privées qu’il détruit appartiennent à ceux qui sont du même bord que lui. Mais êtes-vous vraiment du même bord ?

Ce peuple que vous méprisez, jour après jour, du haut de vos privilèges, c’est lui qui se trouve dans la rue. Ce peuple que vous ignorez, jour après jour, parce que trop occupés à trouver votre perle des Antilles, c’est lui qui se trouve dans la rue. Ce peuple que vous jugez, sale, inculte et producteur de ti vòlè en série, c’est lui qui se trouve dans la rue. Alors, dites-nous ? Quand avez-vous été de son bord ?

L’avez-vous aidé à faire entendre sa voix contre les salaires de misère dont le gratifient les patrons ? Avez-vous dénoncé la violence des agents de la mairie et de la police qui ont tué un bouquiniste ? Vous êtes-vous mobilisés pour que ses enfants puissent aller à l’école, pour qu’il puisse trouver du travail, pour que sa famille puisse avoir à manger, pour que ses malades puissent être soignés, pour que sa vie, enfin, puisse être différente ?

Non ? Et vous lui demandez d’être de votre bord ? Mais il l’a déjà été. Plusieurs fois, il est sorti des mornes et est descendu sur les villes nous donner la liberté. En échange, nous l’avons régulièrement traité de nègre des mornes, de gros pied, de gros souliers. Nous continuons pourtant de vouloir qu’il nous donne encore et encore de lui-même. Pour quoi ? Pour que nous jouions au riche, au grand nègre ? Pour nous aider à atteindre nos pauvres et ridicules aspirations bourgeoises ? De quel droit exigeons-nous quoi que ce soit de ce peuple ? Avec quelle figure ?

Jusques-à-quand devra-t-on vous le dire, encore et encore, pour qu’enfin vous compreniez que c’est désormais à notre tour. À notre tour d’être de leur bord. À notre tour de reconnaître que la violence structurelle qui s’exerce depuis deux siècles contre le peuple haïtien (dans son ensemble) est plus abjecte que ne pourra jamais l’être celle d’une foule en colère qui casse quelques vitres. À notre tour de nous rappeler et de rappeler que leur vie compte autant que les nôtres. Parce qu’ils sont des êtres humains. Parce qu’ils sont des Haïtiens. Parce que nous sommes parce qu’ils sont.

14 réponses à « Commencez donc par être de leur bord »

  1. Tres bel article . Je suis 100% d’accord avec vous . On les ignore tout le temps et on s’indiigne quand ils reagissent. Comme s’ils devaient accpeter ces mauvais traitements eternellement.

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  2. Avatar de Nathalie Lemaine
    Nathalie Lemaine

    Comme quoi la casse d’hier et les nombreuses casses de ces dernières années sont une réaction (naturelle et spontanée??!!) de la masse d’opprimés revendiquant contre des privilèges séculaires!

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  3. Je comprends qu’il existe vraiment un petit groupe de la part du gouvernement et de la bourgeoisie qui ne se soucie pas des pauvres 🇭🇹 haïtiens. Mais c’est trop dur d’accepter la violence. Que fait -il des gens qui ont été victimes et de ce qui ont perdu leur voiture. Que fait il de ceux qui ont des entreprises et qui vont devoir récupéré et recouvrir les pertes. Cette manifestation va provoquer un peu plus d’inflation que de résolutions… Il aurait dû procéder à une autre méthode.

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  4. Un moyen sensible d’expliquer la situation, mais la solution demeure dans la protection des biens et le respect des lois.

    Crasé brisé ap bay minm résultat li toujours bay yo….misère et isolation du pays..

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  5. En lisant ce petit mot qui m’a surpris et m’a déshabillé les paupières, je pris part et assume la responsabilité de stipuler que l’ETAT ne se soucie pas de la cause de ce que les pauvres endurent et ne savent pas la matyrisation de ce peuple

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  6. […] Malheureusement, cette autre chose ne viendra pas des utilisateurs professionnels du « peuple en colère ». Nous ne pouvons pas l’attendre de ces « charognards qui ont besoin que la démocratie haïtienne soit en décomposition pour survivre« . Cette autre chose ne peut venir que de nous. Comme l’a si bien dit un certain Barack Obama, « nous sommes celui que nous attend(i)ons ». Il est plus que temps de choisir notre bord. […]

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  7. […] Malerezman, lòt bagay sa  yo nap pale a pap vini de maton politik sa yo ki toujou ap  itilize kolè pèp la pou regle zafè yo. Nou paka espere sa nan men  moun sa yo ki  tankou chen kap kouri dèyè vyann santi,  ki toujou bezwen peyi a gate pou yo ka fè yo bè yo. Lòt bagay sa n ap pale a se fòs ponyèt nou ki pou ba nou l. Tankou Barack  Obama te di l «  Se nou n ap tann ». Lè a rive pou n chwazi bò pa nou an. […]

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  8. Avatar de Desulme Warens Fedner
    Desulme Warens Fedner

    Si w te met kelke ekspresyon an kreyòl ayisyen tankou: Nèg andeyò, gwo zòtéy mw santi li tap pi bon. Men se yon tèks ki vrèman entèresan e antre nan konsyans moun.

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  9. […] Les inégalités, les discriminations sont naturalisées à un point tel qu’elles ne dérangent personne ou […]

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  10. […] installer au chaud chez le Blan à attendre que les puant-fort et les gros souliers vous sauvent à nouveau la mise ? Êtes-vous à ce point inconscients que vous ne vous rendez même pas compte de […]

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  11. […] moyenne plus ou moins aisée attendant un sursaut d’un peuple qu’elle méprise même en l’envisageant en sauveur. Et, voyez-vous, je ne sais s’il existe plus con comme façon de […]

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  12. […] à la haine et à la misère, même si – et surtout quand – ce sont les puent-fort, sacrifiés traditionnels de nos inégalités, qui en paient le prix. Cherizier et son trésor s’enfoncent plus avant dans la boue des […]

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  13. […] l’indépendance, notre rapport à l’État s’est souvent caractérisé, et non sans raisons, par une défiance viscérale envers les institutions et les lois. Héritage direct de la lutte […]

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  14. […] C’est ce lieu riche en vie que les flammes de Ti Lapli ont éteint hier. C’est ce lieu liant grandeur présidentielle, bohème littéraire, strass hollywoodien et résistance poétique qui, hier, a été rayé, effacé, réduit en cendres. Cette destruction s’inscrit dans une tendance plus large : un désintérêt profond pour le patrimoine, par une population qui ne s’y retrouve guère, sans doute parce que, en dehors d’un petit groupe, il s’agit d’artefacts d’une « élite » avec qui elle ne trouve aucun point commun. […]

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