Nous sommes le 14 juin 1957, un chef d’état-major s’apprête à renverser le président qui l’avait pourtant choisi et élevé à cette fonction. Le général Antonio Thrasybule Kébreau et ses camarades militaires digèrent mal le sétoupamisme de celui qui a été un pionnier de l’utilisation du rouleau compresseur. Le 14 juin 1957, dix-neuf jours après sa prise de fonction, ils démissionneront le président avant de l’expédier à Miami à bord d’un avion de l’armée.

Le 26 mai précédent, Pierre Eustache Daniel Fignolé, militant syndical, devenait président provisoire d’Haïti, à la faveur d’une crise électorale qui menaçait de dégénérer en guerre civile . Dès son inauguration, il affirma sa ferme intention de se maintenir au pouvoir. Pour y arriver, il commença par purger l’armée de ceux qui lui étaient opposés puis s’attela à placer ses militants dans des postes contrôlés jusque-là par l’élite traditionnelle haïtienne.

Le nouveau Président était confiant dans la force de son rouleau compresseur. L’un des leaders les plus en vue de l’avant-Duvalier, il lui suffisait de dire pour mobiliser la masse des travailleurs de Port-au-Prince. Il devait d’ailleurs son poste de président à la capacité et la volonté de celle-ci de « brûler » la Capitale si leur chef le leur demandait. Son pouvoir, croyait-il, était assuré.

Mais, la communauté internationale veille. Même si le Président Fignolé se présente comme anti-communiste, les États-Unis d’Amérique ont peur de voir surgir un nouvel Arbenz. Avec leur approbation (et celle des forces traditionnelles du pouvoir), l’armée débarque dans la suite présidentielle, s’empare du Président et le reste, comme ils disent, c’est de l’histoire.

Son rival, François Duvalier, à la faveur d’élections aussi fausses que pernicieuses, devient le chef de l’État haïtien. Sa famille et lui imposeront au peuple haïtien une des dictatures les plus brutales de l’ère moderne pendant 29 ans.

7 réponses à « Il y a 59 ans, un (ancien) président provisoire partait, nous plongeant dans la tourmente »

  1. Ce billet est d’une grande utilité. Les processus de glissement vers ces épisodes de présidences provisoires éphémères présentent beaucoup d’intéret pour la compréhension de la politique haitienne… On passe du régime le plus régulier basé sur la Constitution (ou ce qu’il en reste) genre Présidence de Nemours Pierre-Louis à celui le plus irrégulier (celui de Kebreau) apres ceux qui sont basés sur des accords politiques de dupes et le non-respect de ceux-ci ( A partir des 56 jours de Franck Sylvain, et ensuite le fameux Gouvernement collegial )…..
    Plus ca change , plus c’est la meme chose ….

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  2. […] Par un jour très spécial de février, une assemblée, de noir et blanc vêtue, nous a choisi un Prince vert. La cérémonie eut lieu, sept jours après le départ d’un roi-bouffon rose et de sa cour, selon les vœux d’un accord préalablement conclu entre personnes royales. L’assemblée consacra le Prince qui se vit confier les clés du royaume pour y organiser les élections. On lui accorda 120 jours pour accomplir le miracle. Comme il fallait s’y attendre, il n’y arriva pas. […]

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  3. […] d’électionner en rond faisaient à notre pays. Nous sommes dans une crise différente quoique péniblement familière, celle d’un Parlement qui refuse de se réunir pour décider du sort du Prince provisoire. Les […]

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  4. […] de rues. En dehors des quelques poussées ochlocratiques du rouleau compresseur, pour des résultats d’ailleurs très éphémères, les autorités haïtiennes restent sourdes et aveugles à nos protestations. Nos médecins […]

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  5. Avatar de Jean Ronald CADET
    Jean Ronald CADET

    Des textes toujours bien travaillés, bien documentés faciles à digérer

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  6. […] n’est pas nouvelle. Le dictateur François Duvalier s’en est même servi pour se propulser à la tête du pays. Ce, alors que, même la crise de 1806 – suite à l’assassinat de […]

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  7. […] n’est pas nouvelle. Le dictateur François Duvalier s’en est même servi pour se propulser à la tête du pays. Ce, alors que, même la crise de 1806 – suite à l’assassinat de […]

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Répondre à S’indigner ne suffit pas. Marcher non plus. – La loi de ma bouche Annuler la réponse.

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