Le président élu américain, Donald J. Trump, part en croisade contre le 14ème amendement, dont la clause de citoyenneté reconnaît la citoyenneté américaine aux enfants nés de personnes asservies. C’est la base constitutionnelle du jus soli aux États-Unis d’Amérique qui dispose que :
All persons born or naturalized in the United States, and subject to the jurisdiction thereof, are citizens of the United States and of the State wherein they reside.
Cette clause est une des raisons de l’industrie florissante du « tourisme de la naissance », qui voit des futures mamans, notamment haïtiennes, détentrices de visa se rendre aux États-Unis pour accoucher d’un petit Américain ou d’une petite Américaine. Dans ma génération déjà, il n’était pas rare de trouver des personnes qui en voulaient à leur mère de ne pas avoir profité de son visa pour les avoir aux États-Unis.
J’ai connu un frère dont la sœur est née aux États-Unis, mais pas lui, et qui n’arrêtait pas de le reprocher à sa mère. Heureusement pour lui, il a depuis émigré et s’est naturalisé Américain, accomplissant ce qu’il devait percevoir comme son destin. Malheureusement pour d’autres, xénophobes émérites, c’est le genre de choses qui leur enlève le sommeil la nuit et les pousse à rager. Pour apaiser ces esprits troublés, leur héros et instrument de revanche leur a promis de mettre fin à cette « disposition ridicule » de la Constitution américaine, permettant à n’importe quel enfant né sur la « terre des libres » de devenir Américain.
Le jus soli est relativement rare dans le monde. La plupart des pays privilégient la transmission de la citoyenneté par le sang (jus sanguinis). En Haïti, par exemple, est considéré.e comme Haïtien.ne toute personne dont au moins un des parents est Haïtien.ne, indépendamment du lieu de naissance, à condition que cette citoyenneté soit enregistrée auprès des autorités haïtiennes pour être reconnue officiellement.
Aux États-Unis, la simple naissance sur le sol américain, quel que soit le statut des parents, confère automatiquement les mêmes droits. Mais ce système a connu des exceptions dans l’histoire. Les Native Americans, par exemple, ont longtemps été exclus de la citoyenneté malgré leur naissance sur le sol américain. Ce n’est qu’avec l’Indian Citizenship Act de 1924 qu’ils ont été inclus. De même, les enfants chinois nés aux États-Unis se sont vu contester leur citoyenneté jusqu’à la décision dans United States v. Wong Kim Ark (1898), où la Cour suprême a confirmé que les enfants nés de résidents permanents chinois sur le sol américain étaient citoyens en vertu du 14ᵉ amendement.
Aujourd’hui, les arguments des Républicains contre le jus soli reposent sur l’interprétation de l’expression subject to the jurisdiction thereof. Ils avancent, comme les Dominicains l’ont fait pour dénaturaliser les enfants nés de parents haïtiens, que les migrants sans papiers ne seraient pas pleinement « sujets à la juridiction » des États-Unis. Par conséquent, leurs enfants pourraient être exclus du jus soli, lors même que le premier groupe visé par le 14ème amendement fût constitué de personnes ayant, et de façon notoire, des papiers destinés à faciliter leur vente sur le marché aux esclaves.
La bonne nouvelle est que Trump ne peut pas modifier par executive order une disposition constitutionnelle. La mauvaise est que la Cour suprême qu’il s’est offerte lors de son premier mandat pourrait parfaitement décider de réinterpréter la clause de citoyenneté et renvoyer la question au Congrès, où les Républicains, même avec leur faible majorité, auraient la responsabilité de définir les limites de ce droit du sol.
Certes, le risque semble faible, mais il n’est pas nul. Une personne d’origine haïtienne, née aux États-Unis, pourrait techniquement perdre sa citoyenneté américaine. Ce scénario, déjà observé en République dominicaine, constitue un rappel supplémentaire de l’urgence de bâtir un avenir solide chez nous, en Haïti. La stabilité et la sécurité ne viendront jamais d’une dépendance exclusive à des droits étrangers fragiles. Nous devons créer un environnement où aucun·e Haïtien·ne ne ressentirait le besoin de chercher sa citoyenneté ou son avenir ailleurs.
Parce qu’ailleurs a beau être attrayant, ce ne sera jamais chez nous.





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