Garry Conille n’est pas spécial. Si je n’ai pas proprement réagi à la menace qui, d’après le Ministre de la Justice, pèserait sur sa vie, c’est que, au-delà du caractère approximatif du communiqué de presse, Garry Conille et son gouvernement intérimaire – merci Almagro – ne sont pas les seuls visés. « Des individus mal intentionnés, agissant pour le compte de certains secteurs bien déterminés de la vie nationale », attaquent la vie de tous les Haïtiens.

Depuis le magnicide de juillet 2021, la population haïtienne subit une vague de violences sans précédent. Plus de 7 000 meurtres ont été recensés entre 2021 et 2023, avec plus de 3 000 kidnappings. Les femmes, souvent premières victimes, subissent de plein fouet la montée des viols collectifs, utilisés par les gangs comme armes de terreur. En parallèle, la population est déplacée en masse : 578 000 personnes ont fui leurs maisons en trois ans.

Ce climat de terreur est entretenu par l’incapacité de l’État à reprendre le contrôle des territoires perdus tandis que d’autres continuent de tomber entre les mains des gangs. Pendant ce temps, l’élite économique et politique haïtienne, visée par des sanctions internationales pour ses liens avec les gangs et sa corruption, continue de s’enrichir. Depuis 2021, les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni, la République dominicaine et les Nations Unies ont imposé des sanctions contre de nombreuses figures clés du secteur économique et politique haïtien, les accusant d’avoir soutenu et financé les activités des gangs.

Ces sanctions visent à couper le lien entre les élites et les gangs qui exploitent la crise haïtienne. Pour des résultats très discutables. Plus de 200 gangs contrôlent aujourd’hui des portions importantes du territoire, et malgré ces sanctions, les « charognards de la démocratie » continuent de prospérer en exploitant le chaos d’un État fragmenté, dépouillé de ses caractéristiques wébériennes.

Cette fragmentation de l’État se reflète de façon accrue dans la lutte de pouvoir entre le CPT de Leslie Voltaire et la Primature de Garry Conille. Les forces de sécurité, déstabilisées par cette guerre interne, sont sollicitées par deux camps distincts, chacun convoquant des réunions séparées le même jour.

Cette division, symptomatique de l’effondrement du pays, facilite la mainmise des gangs sur le territoire. C’est ainsi qu’on en arrive à la scène pathétique et tristement symbolique d’un Garry Conille, premier ministre intérimaire de son état, demandant à des soldats des forces armées d’Haïti d’affirmer leur loyauté dans un spectacle absurde de dérive gouvernementale.

Garry Conille, en treillis militaire et casquette marquée PM, demande à des soldats, visiblement pris de court, de proclamer leur loyauté.

La vie de tous les Haïtiens est menacée. Tandis que les élites continuent de se remplir les poches, la population est abandonnée à son sort, prise en étau entre une violence croissante, un État en déliquescence et des factions politiques qui se disputent les miettes du pouvoir.

2 réponses à « Des secteurs déterminés de la vie nationale s’attaquent à la vie de tous les Haïtiens »

  1. […] du grotesque de cette réutilisation inappropriée d’une photo, se pose la question de la crédibilité des autorités. Comment prendre au sérieux une institution qui emprunte des images du pays le plus armé du monde […]

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  2. […] l’argent, la notoriété et le pouvoir. En d’autres termes, ils ont réussi. En aidant notre élite charognarde à dépouiller le pays, ils ont réussi à accumuler les trois et à s’accomplir pleinement. […]

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Répondre à Il fait bon être chef de gang en Haïti – La loi de ma bouche Annuler la réponse.

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