Fraîchement investi Premier ministre, le Dr Garry Conille, donneur de coup de main et rendeur de service, s’était engagé à reprendre le contrôle du territoire haïtien, maison par maison, quartier par quartier, ville par ville. Depuis, nous n’avons cessé de perdre nos villes, nos quartiers et nos maisons.
Le chaos, tel un monstre à tentacules, étend son emprise sur Port-au-Prince. Chaque rue, chaque recoin, est peu à peu englouti par cette pieuvre insatiable qui étouffe ce qu’il reste de structure et d’ordre. Aujourd’hui, c’est le quartier de Nazon qui se vide de ses habitants qui fuient les violences des gangs omniprésents. Pendant ce temps, sur les réseaux sociaux, des « influenceurs » organisent des lives, offrant une tribune aux chefs de gangs notoires, les encourageant à s’emparer des ministères et de l’administration publique pour y instaurer – excusez-les du peu – « l’ordre et la discipline ». Le surréalisme atteint son apogée lorsqu’une auditrice haitiano-québécoise manque de s’évanouir en découvrant que l’un de ces chefs de gang, youtubeur amateur à ses heures perdues, est en direct. Dans un élan grotesque, elle lui déclare son amour comme si elle se trouvait face à Omar Rudberg.
Un ami, à bout de forces, me demande pourquoi nos dirigeants restent encore en place. Par jeu, je lui réponds qu’ils ont probablement besoin de continuer à faire leurs courses au Caribbean Supermarket ou de s’acheter des vêtements à la boutique Ibiza. Mais la réponse réelle, la seule qui vaille, est que, en véritables charognards de la démocratie, nos politiciens se nourrissent de la décomposition de l’État haïtien, prospérant dans le chaos comme des parasites d’un corps en pleine putréfaction.
Jamais la décomposition d’Haïti n’a été aussi rentable. Pour les chefs de gangs, bien sûr, mais également pour nos élites politiques, qui exploitent sans scrupule ce chaos pour s’enrichir. Et ils ne sont pas seuls. Il y a aussi ces commissaires de police qui libèrent des trafiquants contre un pot-de-vin, d’autres qui prélèvent leur part sous forme de rançons, et certains qui vont jusqu’à organiser leurs propres opérations criminelles. Les hommes d’affaires, eux, spéculent sur les transports, fixant des prix exorbitants pour des vols ou des traversées en mer. Quant aux matériaux de construction, ils suivent la même logique, leurs prix grimpant à des hauteurs vertigineuses, nourrissant les marges des marchands du désastre.
Il est vrai que tous les spécialistes ès chaos ne profitent pas de cette manne morbide. Certains hommes d’affaires, incapables d’innover, se lamentent, notamment lors de brunchs feutrés, d’avoir investi des sommes considérables pour la mise en place d’un gouvernement qui tarde à leur accorder les contrats attendus. Ici, les entreprises prospèrent non pas grâce à la créativité ou à l’innovation, mais grâce aux contrats de l’État, seul client suffisamment fortuné pour leur permettre de survivre dans un environnement économique moribond.
Mais quand tout s’effondrera – et cela ne saurait tarder – il ne restera plus rien à piller. À force de dévorer le pays, les charognards finiront eux aussi sans carcasse à grignoter.





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