Parfois, je me réjouis que certain.e.s d’entre vous soient si prédictibles. J’ai beau vous rappeler que le messie ne viendra pas, que je ne vous dois rien et que la Constitution m’interdit d’être présidente d’Haïti, cela ne vous empêche pas de m’envoyer par WhatsApp et de façon anonyme des messages comme celui qui sert de titre à ce billet. Et donc, voilà, pour votre délectation personnelle, un exemple de discours que j’aurais prononcé à la tribune de l’ONU dans cet univers impensable où je serais actuellement présidente d’un conseil présidentiel de transition sans contenu et de facto.


Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs,

Aujourd’hui, je prends la parole au nom de la République d’Haïti, non seulement en tant que fille de la première république noire indépendante, mais également comme citoyenne du monde, engagée dans la lutte incessante pour la liberté et la dignité humaine.

De toute son histoire, Haïti, bien que un temps isolée du concert des nations, n’a jamais été une nation repliée sur elle-même. Notre Révolution, celle de 1804, profondément enracinée dans notre terre, a jeté les bases d’une liberté qui transcende les frontières. Elle n’était pas seulement une victoire pour nous, Haïtiens, mais une victoire pour tous les peuples qui, à travers le monde, souffraient sous le joug de la tyrannie et de l’oppression. Cet héritage de liberté, plus qu’un souvenir, demeure une responsabilité. Il nous rappelle aujourd’hui que la lutte pour la liberté n’est jamais achevée.

Voilà pourquoi Haïti ne peut se contenter de se tourner vers le passé pour se perdre dans la commémoration de ses propres victoires. En dépit de l’urgence de notre situation actuelle, en dépit de la longue crise que nous traversons, Haïti n’a jamais cessé de regarder au-delà de ses côtes, là où l’humanité continue de souffrir, là où les principes universels de liberté, d’égalité et de justice sont bafoués.

En Palestine, où des générations entières n’ont jamais goûté à la paix véritable. Le droit des peuples à l’autodétermination, un droit si précieux pour Haïti, est un droit fondamental pour chaque nation. Nous affirmons que la dignité du peuple palestinien mérite d’être respectée et protégée, tout comme la sécurité et les droits des autres peuples de la région.

En Afghanistan où les droits les plus fondamentaux des femmes sont systématiquement niés depuis le retour des Talibans. Privées d’accès à l’éducation, empêchées de travailler, de participer à la vie publique, et même de circuler librement sans un chaperon masculin, elles sont réduites au silence et exclues de la pleine citoyenneté. Haïti, terre de la première république libre, ne peut rester silencieuse face à cette injustice. Nous affirmons qu’aucune société ne peut se dire libre tant que ses femmes sont opprimées et privées de leurs droits fondamentaux. La lutte pour la liberté est universelle, et elle inclut nécessairement les femmes du monde entier, de l’Afghanistan à Haïti.

Au Yémen où des familles entières subissent les conséquences d’un conflit meurtrier, piégées dans l’une des pires crises humanitaires de notre époque. Des millions de personnes sont ainsi privées de leurs droits fondamentaux face à la faim, le manque de soins médicaux, les bombardements aveugles. La situation au Yémen nous rappelle que la liberté et la dignité humaines ne peuvent exister tant que des conflits de cette ampleur continuent de ravager des vies.

Et que dire des peuples autochtones dans le Grand Nord, de l’Alaska aux terres scandinaves ? Ces nations oubliées, dont la culture, les langues et les terres continuent d’être érodées par des politiques d’assimilation forcée, rappellent à Haïti ce qu’il en coûte de lutter pour préserver son identité face à des forces oppressives. Nous nous tenons solidaires de ces peuples qui, en cherchant à vivre selon leurs traditions, rappellent à l’humanité que la diversité est notre force collective.

En République Démocratique du Congo, une guerre silencieuse déchire les populations depuis des décennies, alimentée par la convoitise des ressources naturelles. L’exploitation sans fin des richesses du sol congolais, au détriment de son peuple, est un crime contre l’humanité. Haïti, qui a vu ses propres ressources pillées tout au long de son histoire, sait ce qu’il en coûte d’être une nation appauvrie par des intérêts extérieurs. Il est temps que la communauté internationale soutienne les Congolais dans leur quête de paix et de justice.

En Ukraine, une nation européenne est aujourd’hui en proie à une guerre qui rappelle au monde entier que la souveraineté nationale et le droit à l’autodétermination ne sont jamais acquis pour toujours. La brutalité de cette guerre doit nous rappeler que la sécurité internationale ne peut exister sans le respect du droit des nations à vivre en paix et en liberté.

Mesdames et Messieurs, la cause d’Haïti est celle de ces peuples. Ce sont les mêmes principes de justice, de liberté et de dignité humaine que nous avons brandis en 1804, que nous défendons aujourd’hui pour tous ceux qui souffrent à travers le monde. Haïti est une petite nation, mais notre voix est portée par un esprit révolutionnaire qui, depuis plus de deux siècles, s’efforce de dépasser les barrières du particularisme pour embrasser la cause universelle de la liberté.

Cependant, pour que cette liberté se réalise partout, les Nations Unies doivent être à la hauteur de leur mission. La paix et la sécurité ne peuvent se construire sans le progrès social. Nous devons, en tant que communauté internationale, non seulement préserver la paix, mais aussi instaurer des conditions de vie dignes pour tous. C’est pourquoi Haïti en appelle à la transformation de la Mission Multinationale de Soutien à la Sécurité (MMSS) en une véritable Opération de Maintien de la Paix. Haïti n’a pas besoin de forces d’occupation, mais d’une assistance qui s’aligne avec les idéaux de progrès social énoncés dans le préambule de cette noble institution : « favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande ».

Mesdames et Messieurs, malgré la longue crise que nous traversons, Haïti se prépare à organiser des élections dans les prochains mois. La démocratie est essentielle à la légitimité de notre État. Conscients de sa fragilité, nous nous engageons à la protéger avec détermination. Nous appelons la communauté internationale à soutenir ce processus démocratique et à veiller à ce qu’il reflète fidèlement la volonté du peuple haïtien.

C’est dans cet esprit que nous sollicitons non seulement un soutien militaire temporaire, mais un engagement durable de la communauté internationale pour reconstruire les institutions de notre pays. Le peuple haïtien mérite de vivre dans la liberté, avec la sécurité nécessaire à son épanouissement, tout comme les peuples que j’ai évoqués aujourd’hui. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de demi-mesures. Il est temps de réinventer le rôle des Nations Unies, non seulement comme garant de la paix, mais comme moteur du progrès social pour tous les peuples.

La révolution haïtienne a donné au monde un modèle de lutte pour la liberté universelle. Il est temps que l’humanité dans son ensemble, inspirée par cet héritage, fasse de la justice, de la liberté et de la dignité humaine des réalités tangibles pour tous les peuples, sur toute la surface du globe.

Je vous remercie.


PS : Le plus difficile dans cet exercice était la photo d’illustration. J’ai soumis ma photo à DALL·E en lui demandant de me placer à la tribune de l’ONU, mais à deux reprises, l’IA m’a renvoyé l’image d’une femme blanche. Il a fallu insister pour obtenir quelque chose d’un peu plus réaliste. Finalement, cette jeune femme est bien plus belle que moi, mais elle me ressemble certainement plus que les deux premières femmes blanches.

Si vous avez d’autres questions, n’hésitez pas ! Je suis d’humeur créative aujourd’hui.

2 réponses à « C’est facile de critiquer, on aimerait vous y voir vous faire un discours à l’Assemblée générale de l’ONU »

  1. […] : la Tripolitaine et la Cyrénaïque historiques et, éventuellement, un État Fezzan au Sud-Ouest. Le Yémen, également en proie au chaos, pourrait voir sa partie méridionale rejoindre l’Arabie […]

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