Les relations diplomatiques sont faites de subtilité. Depuis le 1er juillet 2022, l’ambassade américaine est dirigée non pas par un ambassadeur, mais par un chargé d’affaires a.i., Son Excellence Eric Stromayer, ancien ambassadeur des États-Unis au Togo et chef de mission adjoint d’une mission sans chef. La chose n’est pas anodine. Les États-Unis d’Amérique sont le partenaire international – certains diront la métropole – le plus important d’Haïti; il est décidément curieux que l’ami en chef de l’État haïtien ne soit représenté que par un chargé d’affaires.
Un chargé d’affaires gère les affaires courantes. Parfois il traite des questions délicates liées à des considérations politiques ou sécuritaires. Parfois, et l’on dit alors qu’il est en pied, il est là pour signaler des circonstances où une présence diplomatique moins formelle est appropriée.
Le chargé d’affaires présente ses lettres de créance au ministre des affaires étrangères et non au chef d’État. Le chef d’État haïtien étant mort, la formalité aurait été impossible mais nos deux autres États baby-sitters, la France et le Canda ont nommé des ambassadeurs depuis. Le nouvel ambassadeur canadien est arrivé en octobre 2023. L’ambassadeur français est là depuis novembre 2021. Le choix américain n’en paraît que plus délibéré.
L’article 19 de la Convention sur les relations diplomatiques aborde la question de l’absence du chef de mission.
Le terme « chargé d’affaires » – qui est d’ailleurs toujours suivi du qualificatif ad interim – apparaît une troisième et dernière fois dans le texte de la convention. À l’article 5 qui prévoit la direction d’une mission par « un chargé d’affaires ad interim dans chacun des États où le chef de la mission n’a pas sa résidence permanente ». Mais, les États-Unis d’Amérique sont réputés avoir construit chez nous leur deuxième ambassade la plus chère, il est difficile de faire moins permanent pour une mission.
Article 19-1; op. cit.
Le terme « chargé d’affaires » – qui est d’ailleurs toujours suivi du qualificatif ad interim – apparaît une troisième et dernière fois dans le texte de la convention. À l’article 5 qui prévoit la direction d’une mission par « un chargé d’affaires ad interim dans chacun des États où le chef de la mission n’a pas sa résidence permanente ». Mais, les États-Unis d’Amérique ont construit chez nous leur deuxième ambassade la plus chère, il est difficile de faire moins permanent pour une mission.
La présence du chargé d’affaires a.i. et non de l’ambassadeur Eric Stromayer est peut-être la manière que l’administration Biden a trouvée pour éviter de reconnaître le Dr Ariel Henry – premier ministre d’un chef d’État décédé – comme chef d’État. Il y a des précédents.
Depuis l’ouverture des relations diplomatiques entre les deux pays, en 1862, Haïti a enregistré un total de 11 chargés d’affaires a.i. américains répartis sur quatre périodes distinctes :
- D’avril 1922 à juin 1930, pendant l’occupation américaine, quatre chargés d’affaires ont été nommés après la désignation d’un Haut-commissaire, le major général John H. Russell, Jr. Sous cette occupation, Louis Borno est élu Président, surprenant les Américains avec qui il collabore toutefois étroitement. Bien qu’il réalise quelques exploits dans les domaines de l’infrastructure et de l’éducation, il refuse d’organiser des élections. En 1930, l’opposition le remplace par Louis Eugène Roy. En juin 1930, Dana G. Munro, envoyé spécial et ministre plénipotentiaire, prend la tête de la mission.
- D’août 1992 à octobre 1993, en raison du durcissement de l’embargo contre Haïti par l’OÉA, deux chargés d’affaires ont été désignés. Les putschistes perdent alors le soutien américain. En juillet 1993, un accord est signé entre Jean-Bertrand Aristide, président en exil, et Raoul Cédras, chef de la junte militaire au pouvoir. William Lacy Swing, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire, prend la tête de la mission.
- De février 2017 à février 2018, lors de l’accession au pouvoir de Jovenel Moïse, nouveau président élu après un processus électoral tumultueux de deux ans, dont une année sous une présidence provisoire. Un an plus tard, l’Ambassadrice Michele J. Sison prend la tête de la mission.
- Depuis l’assassinat de Jovenel Moïse en juillet 2021, Haïti a connu trois chargés d’affaires a.i. depuis octobre de la même année, dont l’actuel.
Le titre de M. Stromayer semble donc être une décision diplomatique délibérée à replacer dans un contexte historique capable d’aider à comprendre les subtilités d’un tel choix. Alors qu’Haïti peine à sortir de scénarios politiques de plus en plus complexes, où la communauté internationale semble au moins aussi perdue que nous, de telles considérations peuvent offrir des éclairages précieux sur l’évolution des relations haïtiano-américaines et leurs implications pour l’avenir.
Mais peut-être s’agit-il juste d’une petite humiliation entre amis?





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