Le principe est connu : nemo auditur propriam turpitudinem allegans. Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Le matricide ne peut invoquer le fait qu’il soit orphelin pour demander la clémence du jury. C’est là trop de chutzpah et la loi n’en est pas fan. Attendu aujourd’hui au parquet de Port-au-Prince pour « fausse déclaration de patrimoine et enrichissement illicite », l’ancien Sénateur Nenel Cassy, sanctionné par le Canada pour avoir commis « des actes menaçant la paix, la sécurité et la stabilité » d’Haïti, ne se serait pas présenté à cause de la situation d’insécurité à Mariani.
Oublions un instant que les services de la compagnie aérienne Sunrise existent et qu’il est facile pour M. Cassy – contrairement à la très grande majorité de ses anciens mandants – de se déplacer en avion entre les aéroports des Cayes et de Port-au-Prince. Qu’un homme politique régulièrement accusé d’entretenir un climat d’insécurité se prévale de l’insécurité pour éviter de répondre à une convocation de la justice relève clairement de l’audace ! Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que M. Cassy refuse l’invitation du Parquet. On se souvient, en 2021, de l’affaire du couteau appartenant à un homme d’affaires assassiné retrouvé dans l’un des véhicules de l’ancien sénateur des Nippes. À l’époque, son avocat et camarade de combat, l’autoproclamé avocat du peuple, André Michel, avait dénoncé une procédure infondée.
L’histoire n’est pas très claire. Le 3 février 2021, monsieur Cassy aurait échappé de justesse à une tentative d’assassinat à Delmas 40 B. Du moins, c’est ce qui se disait dans la presse à l’époque. Une rumeur voulait que ce soit là une tentative du président Jovenel Moïse de se débarrasser d’un opposant gênant à l’approche de la date fatidique – en vrai, c’était une date comme une autre – du 7 février 2021. L’homme du secteur démocratique populaire venait tout juste d’échapper à la prison grâce à un ordre de remise en liberté in extremis. Il pouvait s’appuyer sur la thèse d’une série de persécutions politiques contre sa personne.

Ce n’est qu’en octobre 2021, que nous apprîmes, via un rapport d’enquête de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ), que la mort de Jacques Pierre Matilus le même jour résultait d’une tentative de kidnapping de cet ancien consul d’Haïti à Santiago. Qui plus est, le couteau que la victime avait utilisé pour tenter de se défendre se serait retrouvé dans un véhicule appartenant à Nenel Cassy. Des allégations que réfuta Me André Michel. L’affaire n’ira pas plus loin.
Aujourd’hui, l’ancien Sénateur Cassy est de retour dans l’actualité pour des affaires d’un autre genre. Selon les rapports de Joseph, son patrimoine aurait augmenté de 277% en un an sans qu’il puisse « raisonnablement justifier l’augmentation disproportionnée de son patrimoine par rapport à ses revenus légitimes ». Entre 2016 et 2017, M. Cassy, élu Sénateur de la République à deux reprises en 2006 et en 2015, aurait tout fait pour éviter de déclarer son patrimoine, alors qu’il aurait vu celui-ci augmenter de vingt-huit millions vingt-cinq quatre cent soixante-dix et 82/100 gourdes. Lors de son audition, il a eu des difficultés à expliquer cette croissance disproportionnée, ce qui a conduit l’ULCC à recommander des poursuites pour enrichissement illicite et fausse déclaration de patrimoine. Une recommandation suivie par le commissaire Edler Guillaume qui a convoqué M. Cassy et a émis à son encontre une interdiction de départ.


Monsieur Cassy est généralement accusé de ne pas avoir respecté les obligations légales de déclaration de patrimoine et d’avoir fait des omissions ou des inexactitudes dans ses déclarations. Des comptes bancaires non mentionnés et des biens non déclarés ont contribué à une augmentation injustifiée de son patrimoine. Les enquêteurs ont découvert des véhicules non déclarés et des revenus discordants par rapport à l’augmentation de son patrimoine. Des irrégularités ont été constatées dans les déclarations de Cassy concernant les revenus de sa conjointe, Katrine Chery Cassy, surtout lorsque l’on prend en compte sa déclaration en 2015 de la faillite d’un dépôt de boissons gazeuses appartenant à son épouse, une entreprise « déficitaire en raison de la situation du pays ».
C’est cette même « situation du pays » qui justifierait l’absence de M. Cassy au parquet aujourd’hui. La ministre de la sécurité publique contemple les territoires perdus et le Kenya attend son argent ; un changement dans la situation sécuritaire n’est pas pour demain. Le parquet devra donc attendre encore longtemps… à moins que quelqu’un lui rappelle qu’il est l’autorité de poursuite et que, par conséquent, il peut faire amener les personnes qui l’intéressent. Mais bon, ce serait trop logique.





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