Le chargé d’affaires américain, Eric Stromayer, vient de publier une vidéo pour tout nous expliquer sur la mission multinationale de soutien à la sécurité. Elle est nécessaire, personne de sensé ne peut s’y opposer, et elle bénéficie d’un large soutien des secteurs clés de la vie nationale. M. Stromawyer veut nous rassurer. La recherche d’une solution haïtienne à la crise continue. Nous sommes toujours dans la recherche du consensus et le rétablissement de l’ordre démocratique. Cette mission sans précédent dans les annales de l’ONU veut seulement aider le peuple haïtien à se sentir en sécurité pour qu’il puisse sortir de chez lui et voter pour ses dirigeant.e.s
L’Organisation des Nations-Unies est assez prédictible dans son fonctionnement. C’est une énorme bureaucratie régie par une multitude de règles qui donnent souvent l’impression d’une institution ankylosée, dont les appels à la réforme ont fini par s’intégrer à cette prédictibilité. Sauf dans le cas d’Haïti. Voici au moins la deuxième fois que l’ONU se lance pour notre bien dans des décisions sans précédent. La première fois, c’était en 1994, avec la résolution 940 autorisant une mission non onusienne – assez similaire à la future MMSS – à renverser un gouvernement.
L’ONU n’a pas dans ses habitudes de renverser les gouvernements. C’était nouveau. Il y a bien eu les cas de la guerre de Corée (1950-1953) et de la Guerre du Golfe (1990-1991) où les États-Unis ont mené, avec la bénédiction de l’ONU, des interventions pour préserver un gouvernement ou restaurer la souveraineté d’un État, mais intervenir pour restaurer un président de la République et préserver son gouvernement, c’était du jamais vu. Certes la communauté internationale n’en est pas à sa première solution sur mesure pour répondre à des situations nouvelles. Récemment, la résolution ES-11/1 de l’Assemblée Générale de l’ONU adoptée le 2 mars 2022 a vu l’ONU condamner l’invasion de l’Ukraine par la Russie et exiger un retrait complet des forces russes ainsi que l’annulation de la reconnaissance des autoproclamées Républiques populaires de Donetsk et de Louhansk. Un an plus tard, le 29 mars 2023, l’AG/NU va encore étonner en adoptant une résolution demandant à la Cour de justice internationale de définir les obligations des États à lutter contre les changements climatiques. Cependant, il importe de garder à l’esprit que les décisions sans précédent de l’ONU ne sont pas nombreuses. En dehors des résolutions ES-11/1 (2022) et 940 (1994), je ne vois que la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), la résolution Acheson (1956) et l’autorisation des opérations de maintien de la paix (1950). Peut-être pouvons-nous ajouter l’expulsion de l’ONU du Conseil des droits de l’homme par l’AG/NU avec la résolution ES-11/3 (2022). Mais c’est à peu près tout. La future MMSS n’est donc pas fortuite. Pourtant, c’est une structure à côté, aux maigres moyens, portée et financée quasiment par les seuls États-Unis d’Amérique.
Un ami me demande pourquoi l’ONU s’intéresse autant à nous. Pourquoi, nous, le pays célèbrement « le plus pauvre de l’Amérique »? Au point que, ce matin, nous ayons eu droit, 4 jours après le renouvellement du régime des sanctions, à un nouveau briefing sur la question haïtienne où interviendront la Représentante spéciale et cheffe du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), María Isabel Salvador, Catherine Russell, Directrice exécutive de l’UNICEF, et Ghada Fathi Waly, Directrice exécutive de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), une équipe accessoirement entièrement féminine. C’est une bonne question à laquelle il n’y a que de mauvaises réponses. L’essentiel étant ici que la communauté internationale continue, à défaut d’être à notre chevet, de regarder de près le triste spectacle que nous offrons.
La réalité est que personne n’attend grand-chose de la MMSS. Ni la stabilité. Ni la sécurité. Encore moins la démocratie. Le Kenya qui en a officiellement la charge a un temps essayé de se limiter au strict minimum syndical de sécurisation des actifs stratégiques – immeubles et accès routier. À tout le moins, pouvons-nous en espérer un répit. Juste de quoi nous regrouper et, peut-être, finalement, nous rendre compte qu’il est temps de cesser d’être passifs et de travailler à construire #AyitiNouVleA. Ne serait-ce que parce que, il était grand temps de se rendre à l’évidence, personne d’autre ne le fera à notre place.





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