Hier, premier avril 2025, je vous ai autorisé·e·s, le temps d’une journée, à rêver. Je m’en veux presque de devoir maintenant vous réveiller. Le Conseil présidentiel de transition (CPT) n’a évidemment aucune intention de démissionner demain.
Je m’étais attendue à ce que l’expérience-type soit celle de cette lectrice de longue date qui m’a écrit à la mi-journée :
J’avoue avoir gobé le poisson, avant que mon fils ne m’invite à le recracher😄. J’ai été prise dans la belle construction logique. Et surtout ravie de trouver écho à ma colère d’hier face à ce cirque d’inauguration.
En tout cas chapeau !
Le poisson était appétissant.
J’ai de bonnes raisons de croire que, parmi les habitués du blog, ce l’était. Certains d’entre vous m’ont contactée directement pour confirmer que c’était bien un poisson d’avril. Un grand reporter m’a envoyé un emoji. 🐟? 🐟. Dommage. Une très jeune amie sexagénaire m’a gentiment reproché de « donner ainsi de faux espoirs à une vieille dame ». Une autre a souhaité que ma note « succulente » devienne virale. Son vœu s’est réalisé, et c’est alors que, selon la formule consacrée, les problèmes ont commencé.
Des gens ont commencé à y croire. Pour de vrai. À relayer l’information, à spéculer, à bâtir des scénarios. Sans se rendre compte, comme je l’avais pourtant scénarisé dans ma tête, que tout cela ne tenait pas debout. Des membres du CPT qui démissionnent (!), reconnaissent leur incompétence (!!) et quittent la scène sans proclamer qu’ils ont accompli leur devoir (!!!), c’était un peu gros. Certes, je m’étais efforcée, par vérisimilitude, d’offrir un texte bien écrit, à la logique interne solide, mais le poisson était gros.
Un autre lecteur fidèle, et très vieil ami du blog (et de la blogueuse), qui, lui, s’est bien amusé à encourager des gobeurs de poisson à refaire l’Haïti post-CPT, s’est réjoui de ce qu’ils seront nombreux « à dormir avec de l’espoir ». Là où certains espéraient un régime provisoire dont la mission serait d’établir un pouvoir définitif, d’autres fantasmaient sur un Traoré haïtien. Ils souhaitent tellement que quelque chose change qu’ils perdent le sens de la réalité, m’expliqua-t-il.
J’étais pourtant convaincue d’avoir laissé suffisamment d’indices. « Autocritique douloureuse » n’a donc pas fait tiquer ? Pas plus que la formule trop vague « selon des sources exclusives et concordantes » ? Certainement pas dans les habitudes de ce blog, où j’ai plutôt tendance à assommer le lecteur sous les sources et les hyperliens. Et la chute du billet? Un CPT qui publierait un communiqué de démission évoquant « le refus de continuer à faire semblant » ? Même en rêve, c’est invraisemblable.
Mais, de cette petite farce, je retiens tout de même quelque chose d’essentiel. Voilà des mois que je me plains — ici même — que les charognards de la démocratie nous ont eus à l’usure, qu’ils nous ont anesthésiés, vidés de tout désir collectif. Pourtant, il a suffi de l’idée d’une démission du CPT pour rallumer l’imagination politique. Pour que, ne serait-ce qu’un instant, beaucoup recommencent à penser Haïti autrement.
C’est une excellente chose.
Le plus difficile, maintenant, sera de passer du rêve aux actes.





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