Une ancienne ministre de l’économie et des finances écrit à l’actuel ministre de l’économie et des finances pour appeler à l’aide. Marie Carmelle Jean-Marie se joint à ses collègues de l’association des professionnels du pétrole (APPE) pour interpeller le ministre Patrick Boisvert et attirer son attention sur les risques que pose l’activité des gangs à l’intérieur du terminal Varreux et solliciter une intervention auprès des autorités du pays.

Mme Jean-Marie a elle-même occupé deux fois ce poste sous la présidence de Michel Martelly où elle s’est faite une réputation de compétence et d’attachement aux règles… jusqu’à ce que le dossier PetroCaribe l’éclabousse légèrement en 2016 d’abord puis en 2019. Aujourd’hui, elle est directrice générale de la filiale haïtienne de Bandari, une compagnie panaméenne créée par le Groupe Bigio pour racheter les opérations de Total et Sol en Haïti.

Ces derniers temps, le secteur pétrolier en Haïti fait face à des troubles constants, entre raretés régulières et combats constants avec l’Etat. À l’automne 2020, le ministre des Affaires Étrangères et des Cultes, Claude Joseph, est allé jusqu’à lier l’insécurité à un secteur acculé par un rapport conjoint de l’IGF, l’ULCC et l’UCREF faisant état de surfacturations et autres bénéfices indus perçus au détriment de l’État haïtien. Un rapport vite dénoncé par l’APPE comme étant truffé de mensonges.

Ce rapport était le résultat d’une enquête financière, légale et de conformité commandée par le président de la République d’alors, feu Jovenel Moise, sur les appels d’offres passés entre l’Etat haïtien et les compagnies privées entre mars 2010 et mai 2020. À l’époque, le ministre Boisvert indiquait que durant ces dix années, l’Etat haïtien avait perdu plus de 113.5 milliards de gourdes, sur la vente des produits pétroliers dont 24 milliards durant ces deux dernières années, soit une perte sèche de taxes de 83 milliards de gourdes. Le rapport de l’UCREF confirmera l’estimation du ministre, évaluant les pertes de l’État haïtien à 1.7 milliards de dollars.

Le Président Moïse, rapport en main, lancera ses salves d’attaque. À la fin de l’année 2019, il avait viré populiste, proclamant que le « petit reste » de l’argent du pays devait désormais aller au peuple. Ce ti rès, il pensait l’arracher au monstre à 7 têtes des héritiers du système dont le secteur pétrolier. Le 12 mars 2021, lors d’une de ses petites causeries avec le peuple, il attribuera la rareté de l’essence à un système pris en otage par 5 personnes qui refusent de payer l’État haïtien à temps. La vidéo ci-dessous, issue de la série Sanksyon Sou de l’association Ayiti Nou Vle A, offre un bon résumé de cette saga, à partir de la 6ème minute.

Jovenel Moïse mort, les problèmes de l’essence tout comme d’ailleurs l’insécurité continuèrent s’empirant. Le peuple n’eut aucun reste, grand ou petit. Au contraire. Au jour le jour, il se fait kidnapper, dévaliser, violer, tuer, entre deux sursauts de bwa kale.

À l’automne 2022, le chef de gang Jimmy Cherizier – voir vidéo ci-dessous – et sa fédération du G9 prennent le contrôle du terminal Varreux, bloquant effectivement le pays pendant des semaines. L’APPE appelle à débloquer le terminal. La communauté internationale appelle à la trêve. Après des semaines de négociation avec le gouvernement, le chef de gang se retire du terminal, le 6 novembre 2022.

Aujourd’hui, nous apprenons que ce retrait s’accompagnait de la mise en place d’un racket qui menace de nous replonger dans une situation de rareté.

L’appel à l’aide de l’APPE est à situer dans ce contexte de négociations douteuses avec des gangsters de plus en plus incontrôlables alors que, depuis deux ans, l’administration de Jovenel Moïse survit, en mode zombie, à travers un « premier ministre » nommé non installé, investi par un Tweet pour présider à nos destinées.

Une réponse à « Quand l’association des professionnels du pétrole appelle à l’aide »

  1. Je ne peux m’empecher d’en sourire, c’est tellement tristement comique!

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