Preble-Rish España

Le 4 août 2016, Josué Leconte devient officiellement le propriétaire et seul associé de sa troisième compagnie Preble-Rish, après Preble-Rish Haïti et PRI USA Inc. La nouvelle compagnie, une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, s’appelle Preble-Rish España, avec un siège social situé au 13A, du 30, Avenida Aragon, à Valence en Espagne. Créée le 12 juillet 2016, elle a pour objectifs:

  1. La construction et la gestion de projets d’ingénierie civile.
  2. La prestation de services techniques d’ingénieries et autres activités liées aux conseils techniques.
  3. La vente et la location de biens immobiliers.
  4. L’exportation de marchandises.

C’est ce dernier objectif qui, aujourd’hui, nous intéresse, Preble-Rish España ayant expédié 4 cargaisons de tuyaux en Haïti à la fin de l’année 2016 et au début de l’année 2017. Préparées à Valencia, les expéditions sont parties du port de Cagliari, en Italie, avant d’arriver en Floride par le Port d’Everglades/Fort Lauderdale. Le destinataire final est ainsi indiqué sur chaque bordereau:

Direction Nationale de l’Eau Potable et de l’Assainissement (DINEPA),

Angle Rue Métellus et Route Ibo Lele, N0. 4, Pétion-Ville Haïti

La raison d’être est donc claire. Ces expéditions correspondent à deux marchés de fournitures de matériaux pour la DINEPA accordés à Preble-Rish Haïti ainsi qu’en atteste leur site Internet. L’un concerne, pour la somme de $276,684.72, la fourniture de conduites pour un système d’adduction d’eau potable à Miragoâne. L’autre devait, pour $784,405.98, équiper le Centre technique d’exploitation de la région métropolitaine de Port-au-Prince. Des certificats d’acceptation et de réception de biens ont été livrés et les copies publiées sur le site. Nous sommes donc bien loin de cette malencontreuse affaire de menaces de mort qui opposerait Monsieur Leconte, et son associé Gesner Champagne, à l’actuel Directeur de la DINEPA, Monsieur Guito Edouard.

Preble-Rish Español ayant expédié ses tuyaux, la compagnie est dormante désormais. Elle semble avoir servi sa fonction qui était de donner au bailleur espagnol – les projets avec la DINEPA étaient financés par la Banque interaméricaine de développement (BID) et l’Agence espagnole de coopération internationale pour le développement (AECID) – une raison de valider le marché. Cela explique le capital de 3 000 euros – le minimum pour enregistrer une compagnie en Espagne – et l’actionnaire unique.

La « communauté internationale » n’est pas égarée. Les bailleurs s’assurent toujours que l’argent de l’aide au développement reste autant que possible chez eux. Comme cela, ils ont l’air d’aider ces pays qui n’avancent pas, en aidant leurs propres compagnies et ONGs, tout en se désolant de l’incommensurabilité des problèmes auxquels ils sont confrontés dans leurs efforts de bons samaritains. C’est le Japon nous faisant don de 4 millions 400 mille dollars pour acheter des engins lourds japonais. C’est aussi la Croix-Rouge américaine construisant 6 « maisons » en Haïti avec le demi-milliard de dollars recueilli après le séisme du 12 janvier 2010. C’est encore la Chine continentale s’en allant partout en Afrique, Caraïbes, Pacifique, offrir de construire des infrastructures que ces pays ne pourront pas repayer, en utilisant, qui plus est, des matériaux, de l’expertise et des ouvriers chinois.

Monsieur Leconte non plus n’est pas égaré. Il s’est offert une entreprise espagnole à Valence afin de gagner les deux marchés de la DINEPA. Le choix de la ville est quelque peu curieux. Valence est connue pour ses secteurs de l’automobile, de l’industrie chimique, du tourisme, voire même l’agriculture … mais la construction, on penserait plutôt à Madrid ou Zaragoza. Peut-être s’y trouve-t-il une compagnie dont la technique de fabrication de « conduites d’eau potable » est particulièrement recommandée. Si oui, elle devrait se trouver parmi ces 44 compagnies répertoriées par Europages dont aucune ne doit avoir de rapports particuliers avec la coopération espagnole en Haïti.

Mais revenons à MM Leconte, Champagne et Edouard; le dernier ayant accusé les deux autres d’en vouloir à sa vie pour avoir refusé de reconnaître une dette de 313 mille dollars pour un contrat caduc depuis le 14 février 2018. Ce dernier marché ne figurant pas sur le site de Preble-Rish Haïti et la dernière expédition de Preble-Rish España datant du 4 avril 2017, je suis curieuse de savoir à quelle nouvelle compagnie de Monsieur Leconte, elle allait nous introduire.

Gesner Champagne

Au 15 janvier 2010, trois jours après le séisme, Gesner Champagne participe aux efforts de secours. Armé de 16 camions, il se prépare à livrer 600 gallons d’eau potable par jour mais il ne sait pas qui est en charge. Le Président Préval ayant disparu pendant 24 heures et la France et les États-Unis se disputant sur leurs droits inaliénables de venir en aide à Haïti, la confusion s’expliquait. Le Miami Herald l’aide à faire entendre sa voix.

Il est vrai que, sous le premier mandat du Président Préval, Monsieur Champagne nous avait habitué à d’autres armes. C’était à l’époque où des groupes paramilitaires (atache) s’attelaient à faire entrer des armes illégales en Haïti. Un rapport de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, en date du 1er mai 1997, fait état de l’arrestation de deux Haïtiens, Serge Cantave et Gesner Champagne, alors qu’ils se préparaient à envoyer des armes et des munitions en Haïti. Le rapport cite un reportage de la Radio Métropole, en date du 12 avril 1996, et la Church World Service.

Un an plus tard, dans un minutieux profil d’Elise Ackerman du Miami News Times sur le bouffon rose qui déjà se rêvait roi, nous apprenons que Gesner Champagne, ami d’enfance et beau-frère de Michel Martelly avait bien plaidé coupable de tentative d’envoi de 48 pistolets en Haïti. C’est d’ailleurs le président du compas lui-même qui avait avancé les 150 000 dollars de caution.

Monsieur Champagne raconte qu’il avait acheté les armes pour une compagnie de sécurité en Haïti, avec l’autorisation de la police. Il blâme sa mésaventure sur le fait qu’il soit le neveu du général et ancien ministre de l’intérieur de François Duvalier: Claude Raymond. Son ami Michel le croit. Gesner est un businessman, les histoires politiques ne l’intéressent pas. Au point de lui confier, une fois devenu Président de la République, la tâche d’acquérir des armes pour la police comme s’en inquiétait l’Internet haïtien en 2012?

Naturellement, le fait que le chauffeur de sa compagnie se soit retrouvé récemment à accompagner nos 7 mercenaires et à transporter des armes potentiellement illégales n’aide pas. La plaque d’immatriculation au nom de l’ancien candidat à la présidence de Bouclier, Steve Khawly, – qui a expliqué à AyiboPost qu’il était en processus de transfert des titres de la voiture à un certain Gesner Champagne, dont le chauffeur, Michaël Estera, devait s’occuper – encore moins.

Même son statut d’ancien Président (avant Steve Khawly) et de membre fondateur (avec, entre autres, Klaus Eberwein*) de la prestigieuse Fondation Seguin n’arrivera pas à l’aider. Quand vous avez un tel passé, que des ministres de l’agriculture se font gifler chez vous, et que vous êtes accusé de menacer de mort des directeurs généraux récalcitrants, le crédit offert par votre statut d’entrepreneur éco-conscient finit par s’effriter.


Monsieur Eberwein, ancien Directeur du Fonds d’assistance économique et social (FAES), s’était suicidé dans un hôtel de Miami, dans la nuit du 11 au 12 juillet 2017, alors qu’il était attendu devant la Commission anti-corruption du Sénat pour une audition sur la gestion des fonds Petrocaribe. Dans un mois, en avril 2019, le rapport final de la Cour Supérieure des Comptes sur l’utilisation des fonds Petrocaribe de 2008 à 2016 présentera, entre autres, ses conclusions sur la gestion des fonds Petrocaribe par le FAES. #PwosèPetroCaribeA promet.

Dustin Daniel Porte

Les 7 mercenaires sont partis mais leur histoire n’en demeure pas moins fascinante. Le gouvernement n’ayant toujours pas offert sa synthèse, je me dis autant continuer à partager les quelques informations que j’ai pu glaner ici et là sur la question. Ainsi, mes lecteurs, fins limiers qui s’ignorent pourront aider à compléter le puzzle.

Jusqu’ici, nous avons une compagnie d’Américains, Preble-Rish Haiti, dont le chauffeur accompagnait des mercenaires étrangers pour une mission non identifiée impliquant la Banque de la République d’Haïti. Si l’on en croit leurs compagnies respectives, ces mercenaires travaillaient en solo, sans aucun lien avec leurs maisons-mères. Cela ressemble donc, en tout point, à une mission spéciale; ce que semble confirmer l’intervention de Mario Reta – du Bureau de sécurité régionale de l’Ambassade américaine en Haïti – en leur faveur. Nous n’avons pas encore la copie de sa lettre que le Ministre de la Justice, Monsieur Jean Roudy Aly, a mis en PJ de son autorisation de transfert en date du 20 février 2019 mais cela ne saurait tarder, le Premier Ministre attendant un rapport de son Ministre de la Justice depuis bientôt deux semaines.

Le 24 avril 2007, 6 agents spéciaux américains sont honorés pour leurs efforts dans l’Opération Triple X, une enquête conjointe entre le service de Sécurité diplomatique des États-Unis et la Police nationale indonésienne. L’opération visait, d’après la notice du Département d’État, à démonter des syndicats de contrefaçon liés à des réseaux terroristes en Asie du Sud-Est. Parmi ces 6 agents se trouvaient Mario Reta que nous retouvons 7 ans plus tard en Afrique du Sud comme le contact régional pour le service de coopération sécuritaire entre le Département d’État et les entreprises américaines à l’étranger (OSAC). Mario Reta qui fait libérer (dans les faits), demande de transférer (selon le Ministre Aly) ou sauve (selon l’un des mercenaires) 7 prisonniers américains – alors que le Département d’État précise clairement sur son site qu’ils ne le peuvent – semble donc indiquer une opération spéciale quoique, de toute évidence, sans enquête conjointe avec la Police nationale haïtienne, désormais coutumière de tels oublis.


We Cannot:
Get U.S. citizens out of jail 
State to a court that anyone is guilty or innocent
Provide legal advice or represent U.S. citizens in court 
Serve as official interpreters or translators
Pay legal, medical, or other fees

https://travel.state.gov/content/travel/en/international-travel/emergencies/arrest-detention.html

Naturellement, le Premier Ministre Céant, #PetroChallenger déterminé, y a vu une chance de se présenter en alternative valable à la nation et l’a saisie. Ce n’est pas particulièrement difficile d’être « présidentiel » quand on a un Jovenel Moïse en face, mais bon, on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a. Revenons toutefois à nos mercenaires, à l’un d’entre eux, en particulier. Non, pas celui qui aurait eu son passeport un jour avant de se faire arrêter, de façon complètement imprévisible, parce que des Haïtiens ont fait leur travail.

Chris Osman nous a déjà dit ce que nous savions déjà, sur son compte Instagram. Ils travaillaient directement pour des gens liés au Président Moïse. Du reste, le camion pickup acheté argent comptant par l’ancienne Directrice Générale du Service Métropolitain de Collecte de Résidus Solides (SMCRS), Magalie Habitant pour le compte de Fritz Jean-Louis, ancien Ministre délégué aux questions électorales, ancien directeur de la loterie nationale sous Martelly et réputé actuel conseiller du Président Moïse, le disait assez. Le fait que l’un des responsables de Preble-Rish Haïti soit le beau-frère de l’ancien Président Martelly, aussi. L’enquête du média en ligne AyiboPost sur une autre des plaques d’immatriculation en possession des mercenaires le confirme plus avant. Non, le mercenaire qui m’intéresse s’apelle Dustin Daniel Porte, le seul des 5 Américains, il semblerait, à ne pas être un vétéran de l’armée américaine.

C’était le seul – pour reprendre une expression bien américaine – à me donner pause. Que faisait-il, là, seul, parmi des hommes armés jusqu’aux dents. Qu’est-ce que c’est que ce mercenaire qui n’est pas un militaire?

J’ai commencé, comme toute grande lectrice d’Agatha Christie qui se respecte, par me lancer dans une étude délicate et minutieuse des personnages de l’intrigue – lire, j’ai ouvert Google – pour identifier précisément les ressorts psychologiques et les implications de ceux-ci sur le déroulé de l’histoire – lire, j’ai tapé son nom et y ai ajouté Haïti. La méthode n’a pas failli: Dustin Daniel Porte aurait des antécédents chez nous. Il y serait venu en été 2010, avec la Task Force Kout Men menée par la Garde Nationale de la Louisiane, dans le cadre du projet Nouveaux Horizons-Haïti 2010.

Fin de la Mission – Vidéo de HPN (Désolée pour l’agent Merten au début)

Le beau-fils d’un ancien maire de Mandeville en Louisiane, n’a pas toujours été un mercenaire que son ambassade a dû venir sauver en catastrophe pour des raisons à éclaircir. De juin à septembre 2010, l’agent spécial Dustin était « excité de travailler avec les unités de la Task Force Kout Men et les locaux à reconstruire une partie de leur communauté« . C’était bien avant l’incorporation, en 2014, de Patriot Group Services, Inc. dont il est le Président et officier.

C’était, une époque plus innocente. Celle où le chapelain de la Garde Nationale, le Lieutenant-colonel Gil Arthur, pasteur de la East Leesville Baptist Church, accompagnait ses concitoyens dans l’effort humanitaire américain post-séisme. Le bon pasteur, qui avait alors plus de 30 ans d’expérience dans la Garde nationale, parlait alors d’une mission très satisfaisante, « une opportunité incroyable de, non seulement servir mais de mieux connaître plusieurs citoyens de ce pauvre mais magnifique pays ».

Mais alors, comment Dustin Porte est-il sorti d’une mission où il construisait des écoles à Gonaïves pour nous revenir dans une voiture sans plaques d’immatriculation, en compagnie de collègues lourdement armés, un dimanche soir, sous le couvert de la nuit cherchant à accéder, à en croire l’avocat et conseiller du Président Moïse, Me Reynold Georges, « au sous-sol où se trouve le coffre-fort et tout l’appareillage informatique sous prétexte qu’ils étaient venus faire un travail« . Cette même thèse d’un travail pour la BRH avancé par Fritz Jean-Louis – qui aurait quitté le pays selon le militant des droits humains, Pierre Espérance – a été rejetée par tous les acteurs concernés. Le mystère reste donc entier.

Quoi? Vous pensiez que j’allais vous dire comment Dustin Daniel Porte est passé d’humanitaire à mercenaire? Comment le saurais-je? Ce n’est pas un roman d’Agatha Christie et je ne suis pas détective. Je peux toujours vous parler de la militarisation de l’action humanitaire, un sujet de relations internationales qui m’interpelle particulièrement et que j’aurais plaisir à partager avec vous mais, ces derniers temps, il semblerait que ma muse soit strictement préoccupée des affaires haïtiennes. Mais qui sait, un autre jour, peut-être?