Le Premier ministre qui était très bien ne manque plus à Emmanuel Macron. Leslie Voltaire, président du Conseil Présidentiel de Transition et survivant de coup d’État diplomatique de son état, s’est offert un tête à tête avec le président français. Il en est ressorti avec une promesse : le 17 avril prochain, l’Élysée fera une déclaration pour le bicentenaire de la rançon extorquée à des personnes autrefois asservies, pour avoir osé se libérer de leurs bourreaux au prix d’une guerre de douze ans qui a coûté la vie à la moitié d’entre elles. Un passé commun qui selon Macron ne doit pas être oublié et que, de fait, nous n’oublions pas.
Toujours est-il que c’est Garry Conille qui ne doit pas en revenir. Lui qui semblait si sûr dans son mépris pour le CPT, convaincu de mettre au gras dans son CV la seconde ligne Premier ministre d’Haïti avant de filer vers un secrétariat général d’une organisation internationale ou d’une autre, le voilà disparu du paysage, promptement délaissé par le Blan, Léviathan spontané à l’imprévisibilité légendaire. Mieux, c’est son propre hubris qui l’a emporté : un excès de confiance si grotesque qu’il s’est offert le luxe d’un mémo officiel le déclarant “invirable” le jour même où il se faisait virer.
Qu’on se rassure, fonctionnaire de carrière, Conille atterrira bien quelque part dans le giron onusien, où il continuera de produire des albums photos pour des résultats invisibles. Mais même sur ce terrain-là, Leslie Voltaire semble s’en sortir mieux. Accueilli sur le Pavillon de l’Élysée, reçu en privé, gratifié non pas d’une mais de deux communications officielles du gouvernement français – l’une de l’Élysée, l’autre du Quai d’Orsay, où son ministre des Affaires étrangères a été reçu par son homologue français. Certes, pas de communiqué conjoint – il ne faut pas exagérer, il n’y avait rien à annoncer – mais dans ce siècle de politique-spectacle, cela n’importe guère.
Du reste, le moment est parfait. Les États-Unis de Trump pa sou bò n, la France semble perdre pied en Afrique, et Haïti, c’est l’Afrique en Amérique. Le moment est idéal pour les Français de prendre la pose face caméra, surtout quand il suffit de réciter quelques phrases bien tournées sur un passé commun que l’on feint de redécouvrir à intervalles réguliers.
En se préparant à faire une déclaration le 17 avril, la France s’engage-t-elle dans une véritable reconnaissance de ce passé commun ? Un passé qu’un charmant ancien président français, amateur de pommes, résumait à de simples relations amicales dues à une langue partagée par magie, Haïti n’ayant pas été, à proprement parler, une colonie française. Ou s’agit-il simplement d’un épisode de plus d’une diplomatie performative où le verbe l’emporte sur l’action ?





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