Le téléphone sonne. C’est le responsable de sécurité en Haïti d’une entreprise multinationale, cherchant des informations sur la situation de l’un de leurs bureaux dans l’Artibonite. La veille au soir, Lucsn Élan, chef du gang Gran Grif de Savien, avait annoncé via WhatsApp une descente imminente sur Pont-Sondé pour punir une population récalcitrante, refusant de payer des redevances tarifaires à son gang armé.
Les informations qui remontent sont mitigées. La ville est calme, mais la tension est palpable. Tout est fermé. Les habitants ont fui. Des agents de sécurité en civil montent la garde, armes dissimulées conformément aux procédures. Il remercie et demande à être tenu informé de l’évolution de la situation. Il sait bien que cela ne changera rien, mais c’est une manière d’agir.
Quelques heures plus tard, le chef de gang, fraîchement sanctionné par l’ONU, met sa menace à exécution. Plus d’une dizaine de corps sont retrouvés éparpillés en divers lieux à Pont-Sondé, et de nombreux blessés sont transportés à l’hôpital de Saint-Marc dépassé par l’ampleur de la situation. Des maisons sont incendiées. Une population entière est terrorisée, y compris les policiers en sous-effectif, retranchés dans leur commissariat, incapables de protéger qui que ce soit.
Le massacre terminé, le ministère de la Justice s’empresse de rassurer : ces criminels seront pourchassés avec la plus grande rigueur jusque dans leurs derniers retranchements, par une justice aussi silencieuse que la tombe qui attend nos compatriotes, menacés chaque jour et livrés à eux-mêmes par un État chargé de les protéger.

Au moins, son prédécesseur avait l’honnêteté de nous parler de territoires perdus là où cette nouvelle administration persiste à mentir de manière effrontée.





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