Des Haïtiens mangent des chats. Pas moi – je n’ai jamais pu m’y résoudre, mais je mange du cabri, et certains trouvent cela aberrant parce que les cabris sont si mignons. Ainsi va la vie. L’homme, animal de son règne, mange d’autres animaux. Principalement parce que cela goûte magnifiquement bon et que, si Dieu ne voulait pas que nous les mangions, il ne les aurait pas faits en viande. Il est également question de protéines, mais ce sont là des arguments que nous réservons aux véganes que nous ne voulons pas dégoûter. En vérité, nous aimons la viande parce que c’est goûteux; c’est ce qui en fait une pièce de choix dans nos plats. Aussi, ai-je du mal à comprendre cette réaction sanguine d’Haïtiens vivant à l’étranger s’empressant de nier que certains d’entre nous mangent des chats.
Soyons clairs, ce n’est pas plus immoral de manger du chat que de manger du porc et l’Haïtienne du pays que je suis refuse faire confiance à un Haïtien qui n’aime pas le griot, parce que c’est suspect. Et les adventistes du 7e jour, me direz-vous? Justement. Les animaux que nous mangeons ou pas sont affaire de culture mais surtout d’accessibilité. La poule, oiseau qui ne vole pas, est certainement plus adapté à la consommation régulière qu’un guépard faisant du 130 km/heure. Comparativement, son cousin le chat domestique atteint à peine le tiers de cette vitesse, avec 48 km/h contre 44 km/h pour l’humain et, de surcroît, puisque nous l’avons domestiqué, comme son collègue gallinacé, il vient à nous, ce qui est pratique quand vient le temps de le manger. Il paraît qu’il s’agit d’une chair délicate qui rappelle le poulet, mais en mieux.
Vous ne le savez sans doute pas mais, adolescente, je m’étais mise en tête, Nora Smith d’avant l’heure, de construire une commune à partir de zéro. Dans cette noble quête, j’ai eu à travailler avec des notables de plusieurs localités et habitations dont l’un qui m’avait reçue à sa table, après une belle journée où toute sa communauté avait travaillé sur un tronçon la reliant à une autre.
La fête était belle. La vaisselle d’apparat était de sortie et le repas se devait d’être grandiose. Aussi, le maître des lieux fit-il amener, avec maintes démonstrations, le clou du dîner dans un beau cabaret nickel, recouvert d’un couvre-plat en plastique bariolé. Le plat fut placé délicatement au milieu de la table pour que notre hôte fasse les honneurs, ce qu’il s’empressa de faire pour révéler un chat entier sur son lit de vivres.
J’étais une ado téméraire – il le faut pour se mettre en tête de construire une commune à partir de zéro – mais je suis restée un temps interdite. Figée. Incapable de la moindre réaction. Le notable s’empressa donc de rassurer les convives. Il ne fallait pas nous inquiéter. Il ne s’agissait pas d’un vulgaire chat sauvage, chargé de maladies inconnues. Ce chat, il l’avait élevé lui-même, dès la naissance, garantissant une chair tendre et saine.
Votre blogueuse a la chance d’avoir toutes les allergies du monde. C’est ce qui lui a toujours permis d’éviter de faire de la peine aux gens tout en ne consommant pas leurs diverses concotions. Elle se rabattit donc sur elles et pu éviter ce chat apparemment délicieux. Quelques années plus tard, dans sa vie professionnelle, elle verra un coopérant étranger vivre le même choc, un beau matin chez l’habitant, quand arriva un bouillon de tête de cabri qu’elle s’empressa, elle, de déguster – la cervelle est sa partie préférée.
Ces derniers temps aux États-Unis des républicains racistes – mais je me répète – accusent les Haïtiens de voler des chiens, des chats et des canards sauvages dans la ville de Springfield, dans l’Ohio, pour les manger. C’est faux. C’est du racisme anti-immigrant en période d’élection de bas étage et il faudrait en rire si de telles inepties ne risquait pas de compliquer la vie de nos compatriotes contraints à l’exil, via le programme Biden, du fait de la violence des gangs et la déliquescence de l’État haïtien. Il faut donc dénoncer ce racisme mais pas en niant le fait que le chat puisse être ragoûtant.
En Suisse orientale, le civet de chat a la cote. En Italie, les paupiettes de chien et de chat ont leurs consommateurs avisés. Au Vietnam, la viande de chat est un délice gourmet. Au Cameroun, au Cambodge, en Chine ou en Corée du Sud, chien et chat se trouvent sur les cartes des restaurants. Mais il n’y a pas que des pays en « C ». Les Philippines également sont friandes de ces chairs. Une bonne partie de l’Asie et de l’Afrique, en réalité. Et ce sont les deux continents les plus peuplés au monde. Imaginez seulement le nombre de mangeurs de chiens et de chats parmi les 8 milliards d’humains.





Laisser un commentaire