Le directeur de cabinet du Premier ministre se propose d’optimiser la communication gouvernementale. Grand bien lui fasse ! S’il y a bien un domaine où ce nouveau gouvernement a eu besoin d’améliorations avant même d’exister, c’est la communication. On se souvient certes de la sortie inepte d’un Vixamar, mais également des premières apparitions publiques d’un Garry Conille, visiblement encore ancré dans son rôle précédent de fonctionnaire de l’ONU.
C’est ainsi qu’aujourd’hui, la Présidence , la Primature et la Chancellerie se sont toutes les trois retrouvées à l’ordination de deux évêques auxiliaires. Mieux encore, chacun des chefs a communiqué sur cet événement hautement important. Je conçois que ces messieurs et dames essaient d’exister. Quand on est un gouvernement de facto dont l’inaction fait mentir les yeux de citoyens qui préfèrent leurs propres observations à la vérité gouvernementale, la communication tous azimuts est une parade comme une autre.
Nous sommes à un âge d’or de la politique-spectacle, où des dirigeants que nous n’avons pas choisis nous condamnent à assister à leurs vaudevilles grotesques, tandis que les problèmes réels du pays sont ignorés. Désormais, on compte sur quelques photos dans une église, une conférence internationale ou à l’hôpital général pour effacer les soucis quotidiens de la population. Et cela marche ! La capitale a repris son fonctionnement normal dans sa quasi-totalité. Certes, le conseiller présidentiel Edgard Leblanc est le seul à nous l’assurer, mais nous avons maintes fois établi que nos yeux nous mentent effrontément. Bientôt, via la magie de la communication, l’État reprendra le contrôle des routes, fournira de l’électricité, jugulera l’inflation et assurera notre sécurité.
Dans Les origines du totalitarisme (1951), Hannah Arendt souligne l’inquiétante propension des mouvements fascistes à détruire la réalité partagée d’une nation afin de pouvoir lui inventer une nouvelle réalité. En annihilant les faits et en fabriquant leur version de la réalité, ils cherchent à contrôler la perception publique et ainsi solidifier leur pouvoir. La communication gouvernementale omniprésente et manipulatrice rn devient un outil pour réécrire la réalité et faire accepter des fictions comme des vérités. Big Brother is watching you (George Orwell, 1984, 1949) mais surtout il impose une nouvelle réalité, une nouvelle langue, de nouvelles croyances. Dans un tel contexte, la désinformation systématique, les spectacles médiatiques et la distorsion des faits ne sont pas de simples erreurs, mais des stratégies délibérées pour remodeler la perception collective et étouffer la dissidence.
Certes, ce gouvernement est particulièrement gâté en fait de maladresse et d’incompétence, mais cela n’empêche pas que de telles tactiques visant à invisibiliser les échecs du gouvernement en offrant une narration officielle soient délibérées. Le déni effronté de la réalité observable a pour vocation de libérer nos dirigeants de toute responsabilité et de leur permettre de continuer à gouverner sans opposition significative. Face à cette situation, il est impératif que les médias refusent de jouer le jeu et prennent au sérieux leur responsabilité de rapporter la vérité, de questionner les récits officiels et de mettre en lumière les problèmes réels auxquels la population est confrontée. Ne serait-ce que parce que, comme le rappelle Arendt, si la dictature est limitée dans le temps, la tyrannie ne l’est pas.





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