Les forces kényanes sont arrivées, et je leur souhaite tout le succès possible dans leur lutte contre les gangs. C’est la chose décente à faire, car le peuple haïtien pris en otage en a assez de voir les siens enlevés, violés, tués. Et s’il existe de bonnes raisons de douter des capacités kényanes, ce n’est certainement pas le fait qu’une manifestation contre un budget soit en cours en ce moment chez eux.
Depuis que le Fonds Carnegie pour la Paix internationale a lancé son Global Protest Tracker en 2017, plus de 700 mouvements de protestation ont été enregistrés dans 147 pays, dont 18 % ont duré au-delà de trois mois. Les peuples en ont assez. Ils savent que le système actuel ne fonctionne pas et se mobilisent contre lui.
Partout dans le monde, les citoyens rejettent de nouvelles aristocraties technocrates, qui confient le pouvoir décisionnel à des experts spécialisés sans mandat démocratique direct. Ces experts, autorisés à expérimenter sur les masses, transforment les citoyens en cobayes là où, autrefois, les aristocraties précédentes les utilisaient pour leur amusement.
Les influences néolibérales de l’École de Chicago sur les politiques mondiales depuis les années 1980 ont conduit à des catastrophes en série. La dérégulation des marchés, la privatisation des entreprises publiques et la réduction des dépenses sociales ont exacerbé les inégalités sociales, affaibli les services publics essentiels comme la santé et l’éducation, et ont conduit à une concentration croissante de richesse et de pouvoir dans pratiquement tous les pays. Les mouvements de protestation sont souvent une réaction à ce capitalisme sauvage imposé par la nouvelle ploutocratie mondiale.
La technocratie en action a ainsi engendré des désastres comme les politiques d’ajustement structurel (PAS) imposées par des institutions financières internationales telles que le Fonds Monétaire International (FMI). Ces politiques incluent des mesures telles que la réduction des dépenses publiques accompagnée d’une libéralisation débridée des marchés. Souvent appliquées sans consentement démocratique, ces mesures ont des effets dévastateurs sur les populations les plus vulnérables, contribuant à l’instabilité globale actuelle.
C’est ainsi que plus d’un tiers (258) de ces mouvements de protestation enregistrés par le Fonds Carnegie sont spécifiquement dirigés contre des mesures économiques adoptées par les gouvernements. L’agitation actuelle au Kenya s’inscrit donc dans une tendance globale qui dépasse le gouvernement en place. Elle est le fruit d’une propension à réduire la population à une expérimentation visant à ajuster les êtres humains aux théories favorables au capital, développées par des économistes grassement récompensés par ceux qu’ils enrichissent.
Les citoyens, sujets d’expérimentation, ne sont plus des participants actifs au processus démocratique auquel ils ne sont plus invités à assister qu’en tant que spectateurs. Et voilà pourquoi la fin de l’instabilité passe par l’organisation des élections. Lorsque les décisions sont prises sans un large consensus démocratique ou une consultation publique adéquate, cela conduit à une gouvernance éloignée des besoins et des aspirations réels de la population.
Pour concilier l’expertise technique avec les principes démocratiques fondamentaux, il est essentiel d’éviter les dérives autocratiques et de garantir une gouvernance juste, transparente et véritablement au service du bien commun. Une gouvernance efficace et légitime exige un équilibre entre compétence technique, transparence et responsabilité démocratique. Cela nécessite non seulement des mécanismes de reddition de comptes robustes, mais aussi une participation active des citoyens dans la formulation et la mise en œuvre des politiques publiques.
Et tout cela commence par la préparation d’élections libres et inclusives.





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