La justice transitionnelle est généralement conçue pour traiter les crimes graves commis dans le cadre de conflits armés ou de régimes autoritaires, dans le but de rétablir la justice, promouvoir la réconciliation nationale et prévenir de futurs abus. Dans le cas de gangs criminels opérant dans un contexte de criminalité ordinaire, les principes de la justice transitionnelle ne sont pas pertinents et pour cause.
Babekyou, Izo, Lanmò SanJou, Ti Lapli, Vitelhomme et tous les chefs de gangs non inscrits sur la liste de sanctions de l’ONU sont motivés par des intérêts criminels: contrôle du territoire, trafics illégaux, enlèvements et autres extorsions. Leurs objectifs ne sont ni politiques ni idéologiques. Par conséquent, les méthodes traditionnelles de lutte contre la criminalité tels l’application de la loi et la poursuite judiciaire, sont les plus, voire les seules, appropriées.
Certes, certains « experts » comparent la situation en Haïti à celle de la Colombie avec les FARC, de l’Afrique du Sud pendant l’apartheid ou même de la guerre civile salvadorienne. Cependant, dans ses trois cas, comme dans tous les autres d’ailleurs, même si les forces révolutionnaires étaitent impliquées dans des activités criminelles, leurs objectifs était bien politiques, avec une base idéologique. Il s’agissait de situations de conflits armés internes impliquant des guérillas, des groupes paramilitaires, etc. En Haïti, les gangs opèrent en dehors de tout contexte de conflit armé, la justice transitionnelle ne les concerne pas.
L’idée même d’une commission justice et vérité dans un contexte de criminalité ordinaire, impliquant des gangs et des groupes criminels n’est pas seulement absurde, elle est dangereuse. Ne serait-ce que parce qu’elle leur accorde une légitimité et une reconnaissance qui validerait presque leurs activités criminelles. De cela à leur invitation à la table de négociations il n’y a qu’un pas, un pas qu’il faut se garder de franchir, un pas qui ne ferait que renforcer leur position et légitimer leur pouvoir; ce qui est contre-productif pour l’objectif de restauration de la sécurité et de l’État de droit.
Une telle action créerait un précédent dangereux qui risque de saper l’autorité de l’État et compromettre ses efforts visant à restaurer la sécurité et la primauté du droit. Pour lutter contre la criminalité (dés)organisée qui sévit dans le pays, le prochain gouvernement doit s’atteler à des réformes du système judiciaire et recourir à des mesures répressives signalant clairement aux gangs que la partie est terminée. Tout effort du gouvernement doit viser à améliorer les forces de sécurité, renforcer l’application stricte de la loi, et fournir un soutien aux victimes.
Certes, de initiatives de justice transitionnelle peuvent être adaptées pour aborder les problèmes de criminalité organisée et de violence endémique. User des mécanismes de vérité et de réconciliations pour exposer les liens entre les gangs et des autorités corrompues ou envisager la réintégration des membres de gangs désireux de quitter la criminalité pourrait être un moyen vers des réhabilitations qui nous permettront de repartir sur des bases plus saines. Toutefois, cette approche doit s’inscrire dans des stratégies de lutte contre la corruption, de renforcement des institutions judiciaires et des forces de sécurité et de rétablissement de l’ordre public. En aucun cas, elle ne peut servir de prétexte au traitement de crimes qui relèvent clairement de la loi pénale et qui doivent être traités en conséquence.
Ensuite, il sera temps de s’attaquer aux causes sous-jacentes de la criminalité, telles que la pauvreté, le chômage et le manque d’opportunités, par le biais de programmes incluant des initiatives de développement économique, d’éducation et de réinsertion sociale pour les jeunes susceptibles d’être recrutés par les gangs.





Laisser un commentaire