L’étude biblique d’aujourd’hui parlera de Misérables (Hugo, 1862) traversant des épreuves surhumaines avant de parvenir à la rédemption. Elle aborde le roman de Victor Hugo comme une allégorie de la mort et de la résurrection qui résonne avec les valeurs pascales de renouveau, mais surtout d’espoir. Même si, et cela fera l’objet d’une autre étude, il est toujours tout aussi curieux que Dieu, dans sa grande sagesse, ait préféré sacrifier son fils unique pour nous sauver plutôt que de mettre Satan, le mal incarné, à la retraite.
Le récit de Pâques est triple : c’est bien sûr la résurrection du Christ, la naissance du peuple chrétien, mais avant, bien avant, c’était la libération du peuple juif. La Pâque juive, qui cette année coïncide avec la Pâque chrétienne et le Ramadan musulman, est une célébration majeure commémorant la traversée du désert d’Israël vers la Terre Promise. De façon similaire, la Pâque chrétienne symbolise la rédemption et de libération par Jésus-Christ venu apporter le salut à l’humanité. Jésus, nouvel agneau pascal, l’agneau de Dieu, partageant le pain sans levain en l’associant au don de son corps à l’espèce, en rémission des péchés. C’est la Cène. Un repas macabre s’il en est où celui qui va se faire crucifier invite ses amis à le cannibaliser – pour la symbolique.
Pendant qu’ils mangeaient, Jésus prit du pain; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le donna aux disciples, en disant: Prenez, mangez, ceci est mon corps.
Mathieu 26:26
Cette souffrance est nécessaire. Ésaïe 53:5-12 prophétise le supplice du Messie:
il était blessé pour nos péchés, Brisé pour nos iniquités; Le châtiment qui nous donne la paix est tombé sur lui, Et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. …
Il a été maltraité et opprimé, Et il n’a point ouvert la bouche, Semblable à un agneau qu’on mène à la boucherie, A une brebis muette devant ceux qui la tondent; Il n’a point ouvert la bouche. …
Il a plu à l’Éternel de le briser par la souffrance… Après avoir livré sa vie en sacrifice pour le péché, Il verra une postérité et prolongera ses jours; Et l’oeuvre de l’Éternel prospérera entre ses mains
Versets 5, 7, 10
Dans Les Misérables, Jean Valjean renonce constamment à sa propre tranquilité et à sa sécurité pour aider les autres. Pour respecter sa promesse à la Fantine, ouvrière tombée dans la misère, il adopte sa fille Cosette et s’efforce de lui offrir une meilleure vie. Pendant la révolte de juin 1832, il traverse les égouts de Paris en portant Marius blessé, risquant sa vie pour sauver celle de l’amoureux de Cosette. Et, sacrifice ultime, alors qu’il avait réussi à se construire une vie respectable en tant que Monsieur Madeleine, maire de Montreuil-sur-Mer, il se présente devant le tribunal pour faire libérer Champathieu, accusé à tort pour les actes de Jean Valjean.
En révélant sa véritable identité, Jean Valjean abandonne sa liberté pour sauver un homme innocent. Pourtant, sa nouvelle identité lui avait permis de se réinventer et de se rendre utile à la communauté. Monsieur Madeleine a été un maire respecté et admiré, qui a mis en œuvre des réformes sociales pour améliorer les conditions de vie des habitants de sa ville et ce, alors qu’il se cachait des autorités pour protéger son identité et sa famille. L’on aurait pu croire que cela aurait suffi pour sa rédemption, mais Les Misérables ne fait pas dans la facilité.
L’inspecteur Javert croit reconnaître dans le Maire, Jean Valjean, condamné à cinq ans de bagne pour avoir volé du pain pour nourrir sa famille mais dont la peine sera prolongée de 19 ans après avoir cherché à s’évader. Les doutes de Javert sont confirmés quand Monsieur Madeleine révèle son identité pour sauver Champmathieu. Avec l’inspecteur aux trousses, Valjean retombe dans la clandestinité, pour éviter d’être capturé et pouvoir continuer à protéger Cosette. Pourtant, pour sauver Marius, il risque la capture par Javert … qui le laisse partir. C’est enfin la rédemption. Monsieur Madeleine révèle son passé à Marius et Cosette puis meurt entouré de leur amour et de leur affection, pardonné pour ses péchés passés.
Javert est représentatif de la lutte entre la justice (humaine) et la miséricorde (divine); entre la rigidité de la loi et une compréhension plus profonde de la grâce et du pardon. C’est là une réalisation profondément perturbante. Une réalisation, pour ainsi dire, bousculante, remettant en question ses convictions et son sens du devoir. L’histoire de Jean Valjean est celle cette dualité : il commet un acte répréhensible en volant du pain, mais pour une cause noble, celle de nourrir sa famille. De même, il assume une fausse identité pour protéger autrui, un geste moralement ambigu mais empreint de générosité. Son histoire est souffrance, sacrifice, salvation. Comme lui, nous sommes appelés à traverser des épreuves et et c’est dans le courage de la rédemption que nous trouvons l’espoir.
En ce moment particulier de notre histoire de peuple, où les gangs ont pris le contrôle de la capitale et où une cinquantaine de membres de l’élite politique et économique se retrouvent sur des listes de sanctions internationales pour leur soutien à ces mêmes gangs, nous sommes confrontés à des défis moraux et sociaux immenses. Ce dimanche de Pâques pourrait être le moment décisif où nous devons collectivement décider de privilégier enfin l’honnêteté et la justice, même au détriment de nos intérêts personnels ou de nos affiliations politiques. Puissions-nous trouver le courage de choisir le chemin de la vérité et de l’intégrité, et ainsi, ouvrir la voie à une transformation positive de notre société!





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