Être haïtien.ne est une chance. Non, vraiment. Même si, aujourd’hui, selon l’UNICEF, naître haïtien.ne veut dire que l’on n’atteindra que 45% de son potentiel. Et non, je ne fais pas ici référence à l’épopée de la première république noire, la soup joumou ou le konpa. Être haïtien.ne est une chance parce que nous sommes le peuple le plus libre qui soit. Le peuple haïtien est indomptable. Souvent pour son malheur mais il me semble que, dans la grande tapisserie du genre humain, il en faut un. Aussi, et parce que je vois le sujet effleuré sur X ces derniers temps, même si c’est pour inviter les nationalistes de la diaspora à renoncer à leurs nationalités étrangères et s’établir en Haïti, je me suis laissée aller à penser que ce serait un bon sujet à traiter.

Le législateur haïtien exige que toute peronne née en dehors du pays ou dont les parents ne sont pas haïtiens y vive pendant 10 ans avant d’obtenir la citoyenneté haïtienne, sous réserve d’un rapport favorable du ministère de l’intérieur sur sa bonne moralité. Mais nous sommes plutôt flexible sur les dix ans. Tel chef d’entreprise multinationale s’en est sorti après 5 ans. D’autres ont utilisé leurs fréquentations de la terre de Dessalines sur plusieurs années en guise de résidence effective. Puis, il y a Mohammed Al Fayed, père de Dodi Al Fayed, ami Lady Di, Princesse de Galles. Arrivé à Port-au-Prince, le 12 juin 1964, il obtiendra sa nationalité 5 mois plus tard, grâce à l’intervention de son grand ami, François Duvalier, dictateur de son état. Dans le Moniteur du 5 novembre, celui-ci déclara, par décret, que son ami koweïtien avait satisfait à l’exigence de 10 ans de résidence et quand on est dictateur, c’est connu, le temps se plie à vos désirs.

Dans l’entrefilet du Nouvelliste du 13 juin annonçant sa venue, nous sommes déjà informés de l’importance de la relation entre l’ »éminent koweitien » – il est égyptien et avait fondé d’une compagnie de transport maritime avec ses frères – et l’ »Honorable Docteur François Duvalier, Chef de la Révolution ». Ce dernier avait dépêché, un de ses gardes présidentiels, le lieutenant Willy Gaillard – qui finira colonel et commandant de l’aviation avant d’être mis à la retraite par Jean-Claude Duvalier, environ une semaine avant que lui ne soit mis à la retraite par le peuple haïtien. Le lieutenant Gaillard a été chargé d’accompagner Fayed pendant son séjour en Haïti qui allait sans nul doute provoquer un essor financier en Haïti. Le Nouvelliste, qui, de toute évidence, ne reprenait pas verbatim un communiqué de presse venu directement du Palais National, parle d’une entreprise liée au Cheik dont le chiffre d’affaires était de 28 millions de dollars – environ 278 millions aujourd’hui – et dont le nouveau Port-au-princien était directeur associé.

Devenu Haïtien et appelé à représenter son nouvel État auprès d’exploitants de pétrole, Monsieur Fayed reçoit le passeport diplomatique 1067 pour faciliter ses déplacements. Il en profitera pour faire disparaitre quelques centaines de milliers de dollars – des millions aujourd’hui – avant d’être déclaré  persona non grata par son ancien ami peu content d’avoir été ainsi trompé.

Où est-ce que je voulais en venir avec tout cela ? Ah oui, les naturalisations rapides réservent souvent des surprises.

Une réponse à « Se naturaliser Haïtien – un guide »

  1. […] ultime. Peut-être même est-ce là notre destin ultime tel qu’envisagé par Dessalines : apporter la liberté aux peuples américains, quoi qu’il en […]

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