La douane de Saint-Marc est réputée pour sa célérité à faire sortir les voitures d’occasion qui encombrent nos rues, entre vols, fraudes et autres magouilles. Il y a un mois, le Nouvelliste titrait sur le démantèlement d’un réseau de voleurs de voitures par le parquet de Saint-Marc. Dans les derniers rapports Joseph, c’est aux magouilles des employés de l’autorité portuaire nationale que nous sommes introduits.

L’APN à Saint-Marc, c’est l’unité des ports de cabotage, placée sous le contrôle de la Direction du cabotage. Elle accueille les bateaux, les inspecte avant de leur accorder l’autorisation de débarquement. Pendant ce processus, l’UPC entrepose des véhicules dans 11 parkings, dont un seul appartient à l’État. Les autres sont loués à des particuliers. L’enquête de l’ULCC révèle toutefois que seulement 4 de ces parkings sont utilisés. Mais ce n’est pas tout. Les contrats de location ne respectent aucune norme, sont conclus avec des agents publics et se font verbalement. Les loyers sont payés en dollars américains, les impôts sur le revenu ne sont pas perçus, et les terrains loués, hormis un seul, n’appartiendraient pas aux propriétaires.

  • Grégois Valcin est l’administrateur de l’UPC. Il est propriétaire, avec son collègue John Alténor, coordonnateur à la Direction générale de l’APN, du garage RG Terminal, qu’il loue à l’UPC et dont il règle lui-même le loyer, sans contrats et en espèces. Le rapport de l’ULCC rappelle qu’il s’agit d’une violation de l’article 2.6 des règlements intérieurs de l’APN, que cette prise illégale d’intérêt est punie par l’article 5.13 de la loi anti-corruption du 12 mars 2014, et que le paiement en espèces viole les dispositions légales en matière de comptabilité publique, notamment l’article 77 de l’arrêté du 16 février 2005. De plus, ces paiements ont été effectués en dollars américains, ce qui contrevient à la circulaire #029 de la banque centrale en date du 30 avril 2014 et à celle de la Primature en date du 23 juillet 2014, obligeant les institutions publiques à payer les contrats en gourdes.
  • Karl Henri Doriélan est caissier à l’UPC, à qui il loue, dans les mêmes conditions que son collègue, deux terrains – Marc Donald Terminal et Chiller Terminal – dont un acte d’arpentage a été fourni à l’ULCC, le seul titre de propriété retrouvé sur 10 locations privées.
  • Les autres détenteurs de contrats verbaux avec l’UPC n’ont pu prouver leur propriété:
    • Sony Milien de Sony Terminal loue un terrain réputé appartenir à son cousin Monvil Exantus. Il n’a pas de papier. Il a reçu un contrat verbal selon le principe légal bien connu du « trust me bro ».
    • Lenor Exantus sous-loue à l’insu du propriétaire Volny Paultre. Il s’agit d’un contrat de 5 ans (2021-2026) pour le garage Sympa Terminal qu’il loue à l’UPC pour la rondelette somme de 250 000 dollars américains par an, contre 145 000 au propriétaire, soit un bénéfice net de 120 000 dollars, sans impôts sur le revenu, sans contrats et sans nécessité réelle pour l’UPC.
    • Jean Alix Nesivar loue les terminaux Alex Nesivar #1 et Alix Nesivar #2, dont les loyers ont augmenté de 25% sans raison valable. L’administrateur a prétendu à une augmentation de superficie, mais l’enquête de l’ULCC n’a trouvé ni agrandissement ni modification.

En résumé, à la douane de Saint-Marc, des particuliers – dont des agents publics – louent à l’UPC des terminaux à la propriété douteuse, dont celle-ci n’a pas besoin, dans une monnaie qui n’est pas celle de l’État, selon des contrats pour lesquels aucune trace n’est retrouvée, à l’exception des paiements effectués. L’ULCC recommande la mise en mouvement de l’action publique contre l’actuel et l’ancien directeur de l’UPC, MM. Anel Camille et M. Nola Marius, pour abus de fonction et prise illégale d’intérêt. Elle recommande également que MM. Valcin, Alténor et Doriélan soient poursuivis.

En nous référant à l’histoire récente, il est fort probable que ces rapports demeurent lettre morte, le système judiciaire haïtien semblant s’accorder très bien de l’impunité. Toutefois, l’objectif de cette série de billets est de défier cette tendance en exprimant la volonté collective de mettre un terme à l’impunité et de demander des actions concrètes aux autorités. Vous êtes donc invités cher.e.s lecteurs.rices, pour les 6 prochains mois, à envahir l’espace médiatique surtout saint-marcois pour relayer les informations du rapport, inviter le débat sur les pratiques illégales en cours à l’UPC et tenir les responsables politiques et administratifs pour comptables de leurs actes.

Certes, la plupart des individus impliqués dans les actes de corruption en Haïti sont réputés être nés avant la honte mais si la honte n’est pas toujours au rendez-vous, l’ego l’est généralement. Voilà donc pourquoi il importe d’exposer les individus et entités impliqués dans des actes répréhensibles à la critique publique. De façon concrète, cela revient à :

  • Diffuser les détails du rapport, en prenant soin d’en préciser la source
  • Utiliser les réseaux sociaux pour élargir cette diffusion en fournissant des informations précises et sourcées
  • Travailler avec les médias locaux pour faire connaître l’information là où elle a besoin de l’être
  • Dénoncer publiquement ces actes à chaque fois que l’occasion se présente

Cet exercice de la loi de nos bouches, qui nous a été légué par la révolution de 1986, est fondamental pour préserver cette révolution. Cependant, la règle demeure que la loi de votre bouche s’arrête à la diffamation. Les accusations nécessitent des preuves solides, les actes de violence ou de représailles contre les personnes accusées sont interdits, et il importe de se rappeler que l’idée ici est d’accroître la responsabilité et la transparence plutôt que de causer du tort.

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