À l’heure qu’il est, vous avez sans doute déjà lu le rapport de l’association Ayiti Nou Vle A sur les sanctions ciblées de l’ONU et son regard critique sur leur impact sur la population haïtienne. Des sanctions qui, en un an, n’ont ciblé que le chef de gang Jimmy Cherizier, alors que depuis 2004, l’ONU maintient, d’une façon ou d’une autre, une mission chez nous. MINUSTAH (2004-2017), MINUJUSTH (2017-2019), BINUH (depuis 2019). Une présence allant certes s’amenuisant mais non moins factuelle. L’on serait en droit de se dire que, en presque 20 ans de présence continue, l’organisation, et en particulier son Conseil de sécurité, devrait savoir qui sanctionner, s’il y a lieu. Après tout, les autres régimes de sanctions ciblées de l’ONU – dans le cas de la Somalie, par exemple – semblent plutôt bien étayés. Mais, que voulez-vous, notre relation avec l’ONU est inhabituelle. Aussi, avons-nous droit à des sanctions onusiennes contre un vulgaire bandit comme s’il était la cause principale de tous nos maux.

Ce n’est pas la première fois que l’ONU peine à identifier les bonnes cibles pour ses sanctions en Haïti. En 1993, pour étouffer le régime putschiste de Raoul Cédras, l’organisation eut la bonne idée de placer un embargo total contre Haïti pour finir par étouffer la population haïtienne et son économie. À bien des égards, la descente aux enfers actuelle doit énormément à la période maudite de l’embargo, où les conditions de vie se sont détériorées, la misère augmentait, le commerce baissait, et la contrebande s’installait de façon permanente dans le paysage haïtien. Ce midi, au briefing sur Haïti au Conseil de Sécurité, la Russie, qui, en raison de sa longue rivalité et de la guerre en Ukraine, multiplie les petites tacles aux États-Unis d’Amérique, a, fort à propos, rappelé le rôle des interventions étrangères en Haïti dans la dégradation de la situation en Haïti.

Depuis le début de notre expérience démocratique post-Duvalier, la communauté internationale est intervenue en Haïti plus d’une douzaine de fois avec des missions aux noms de plus en plus défaitistes, d’une mission de restauration de la démocratie à une mission de support à la sécurité, en passant par une mission de stabilisation et même un bureau intégré. En 37 ans de « transition démocratique », Haïti a été le théâtre d’une mission internationale ou d’une autre pendant 28 ans, avec la seule césure entre 2001 et 2004. L’on serait en droit de se demander si l’échec haïtien n’est pas tout autant l’échec du système onusien qui nous aura gaiement accompagné dans notre descente dans le chaos.

Alors, où tout cela nous laisse-t-il ? Partout et nulle part. La Russie demande, par jeu, que les sanctions ne servent pas à déblayer le terrain politique pour les prochaines joutes électorales. Même si l’on met de côté les provocations, la Russie a raison de soulever la question, surtout quand on voit la légèreté avec laquelle le Groupe d’Experts du comité de sanctions a produit son rapport, remis avec 8 mois de retard, pour ne respecter qu’un quart du mandat qui lui a été confié. Mais, de ceci, nous parlerons demain. En attendant, (re)lisez le rapport d’ANVA que je vous remets ci-dessous, parce que nous allons en discuter.

2 réponses à « Quand l’ONU se trompe de cibles »

  1. […] il confirme que vous êtes un criminel. Que vous êtes définitivement. Si l’on se fie au rapport du groupe d’experts du comité de sanctions de l’ONU sur Haïti selon lequel Deeb aurait « payé un chef de gang […]

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  2. […] sécurité, la liste des sanctionnés peine à s’étendre au-delà des chefs de gangs. Si le rapport du 19 octobre 2023 avait laissé entendre des sanctions prochaines contre des hommes d’affaires et des […]

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