Je suis inquiète. Profondément inquiète. Nous nous habituons à n’avoir aucun dirigeant élu et cela n’augure rien de bon pour notre démocratie. Que, deux ans après l’ascension d’Ariel Henry au pouvoir, nous en sommes encore à discuter transition devrait nous glacer le sang. Peut-être même est-il déjà glacé. Cela expliquerait cette drôle de paralysie qui est la nôtre depuis quelques temps alors que notre pays s’en va lentement mais sûrement vers la bîme finale.

L’urgence sécuritaire est la priorité de toutes les priorités. Avec quelque raison. Ou plutôt elle l’était. Aujourd’hui, l’urgence est de construire un canal. Un canal commencé en 2018 par un président longuement honni avant d’être assassiné, un canal arrêté en 2021 par l’armée d’un pays voisin longuement détesté et que nous prenons plaisir à faire chier, un canal dont le comité de construction sui generis a failli perdre quelques-uns de ses membres, hier, parce que la population a momentanément cru qu’il s’agissait de voleurs venus subtiliser le matériau pour lequel elle a cotisé.

Ce comité de gestion serait une émanation des notables de la zone. Les soutiens se font plus nombreux de jour en jour. Les collectes de fonds affluent. Il faut, évidemment, gérer tout cela. Des citoyens se sont dévoués – c’est tout à l’heure honneur – ils ont failli y laisser leur peau – mourir pour la patrie n’est pas toujours beau.

Dans le cas du canal comme celui du pays, nous sommes victimes d’une tendance à ériger pour tout, partout, et en tout, des structures ad hoc, pour ne pas avoir à user de structures permanentes; notre allergie aux règles atteignant, pour notre malheur, des sommets toujours plus impensables.

Mercredi dernier, une crue de la Rivière Massacre a causé quelques dégâts à la construction en cours. Des dégâts vite contenus, ce que nous avons célébré.

https://twitter.com/centrealaune/status/1705200191148568921?t=ON6xdSGudXda09c81mdqyA&s=19

Le vendredi suivant, le 22 septembre 2003, à la tribune de l’Onu, Ariel Henry a « réaffirmé le droit d’Haïti à utiliser l’eau de la rivière Massacre« . Et voilà que j’apprends que, à l’instant, une foule s’apprêterait à l’accueillirpour son retour au pays afin de l’en remercier.

Je n’ai pas le cœur à vérifier. J’ai le sang qui se glace. Ce billet n’ira pas plus loin.

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