Aujourd’hui, 19 septembre 2023, s’ouvre à New York la 78ème assemblée générale de l’organisation des Nations-Unies. Haïti, membre fondateur de l’organisation y sera représentée par le Dr Ariel Henry, chef d’État de facto. Il est accompagné, d’après le communiqué de la Primature, « de représentants du Haut Conseil de la Transition, des ministères des Affaires étrangères, de la Planification et de la Coopération externe, de la Santé publique et de la Population et de collaborateurs de la Primature ». Une forte délégation pour une AG dont il n’y a rien à attendre.

Près de 8 décennies après sa naissance, l’Onu montre son âge. Si la messe annuelle de l’AG continue de se tenir, elle n’est plus le haut lieu de la diplomatie multilatérale. Les États lui préfèrent d’autres avenues plus directes, plus petites, plus pratiques: G-7, G-20, BRICS. Ces derniers, rival géopolitique du G-7, viennent de doubler leur effectif, au mois d’août dernier, passant de 5 à 11 pays du Sud émergent. L’ONU, on y va désormais par habitude. Son Conseil de sécurité a perdu en crédibilité et, partant, en autorité. Des cinq membres permanents du CS, seul Joe Biden, le président américain daignera participer à la Semaine de haut niveau. Les leaders de la France, la Chine, la Russie et le Royaume-Uni ont trouvé mieux à faire. Le Premier ministre indien Narendra Modi sera également absent ramenant la participation des BRICS à 2/5.

Le Dr Henry et sa délégation ont toutefois de grands projets. Comme il le fait depuis deux ans, il entend « réitérer sa demande urgente de support robuste à la #PNH en vue du rétablissement de la sécurité sur tout le territoire national ». Ce, alors que, il y a moins d’une semaine, le 15 septembre 2023, le CS a retiré cette question à l’agenda. Le 22 septembre, il prononcera un discours qui n’intéressera personne, l’AG de l’Onu semblant de plus en plus se transformer en haut lieu de la démagogie et du populisme bon marché.

Le thème de cette année présente tout un programme : « Reconstruire la confiance et raviver la solidarité mondiale : Accélérer l’action en faveur de l’Agenda 2030 et de ses objectifs de développement durable en vue de la paix, de la prospérité, du progrès et de la durabilité pour tous ». L’Agenda 2030 propose 17 objectifs de développement durable (ODD) – et 169 cibles associées – en remplacement des 8 objectifs du millénaire pour le développement (OMD) de l’Agenda précédent dont le bilan, on s’accordera à dire, fut mitigé. L’AG de cette année se veut une évaluation à mi-chemin des progrès des ODD. Et ce ne sera pas très encourageant. Les progrès sont faibles et dans certains cas, le monde a régressé. Pour l’égalité des genres, par exemple, d’après un rapport conjoint d’Onu Femmes et du Département des Affaires économiques et sociales, il nous faudra désormais 300 ans.

Le Secrétaire général de l’Onu, Antonio Guerres, ne se fait pas d’illusion. En avril dernier, dans un briefing sur le rapport de mi-parcours qui sera présenté à l’AG, il expliquait l’urgence en ces termes:

À mi-chemin de l’échéance du Programme 2030, nous laissons derrière nous plus de la moitié du monde. Nous sommes au point mort ou avons fait marche arrière sur plus de 30 pour cent des ODD. Si nous n’agissons pas maintenant, l’Agenda 2030 deviendra l’épitaphe d’un monde qui aurait pu exister

Parler de solidarité mondiale dans ces conditions est presque un oxymore. Les discussions sur les changements climatiques n’avancent pas. La réforme du Conseil de sécurité, pas plus. La guerre en Ukraine continue de défier l’ordre international de la fin de la guerre (majeure) que symbolise l’organisation. Les catastrophes humanitaires résultant de la multiplication des conflits, coups d’Etat et crises migratoires ont arrêté d’émouvoir avec, subséquemment, des populations de plus en plus livrées à elles-mêmes.

Conscient des limites de l’organisation, le second secrétaire général de l’ONU, le suédois Dag Hammarskjold eut cette sortie mémorable:

Il est dit que les Nations Unies n’ont pas été créées pour nous amener au paradis, mais pour nous sauver de l’enfer.

Depuis 7 décennies, cette citation a été utilisée pour ménager nos attentes d’une organisation créée par  » nous, les peuples des nations unies, résolus à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande ». Sauf que, là, ça y est, nous sommes en enfer.

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