Un tweet du journaliste Luckson Saint-Vil inquiète. Il reprend des informations du plus ancien journal dominicain, Listín Diario, selon lesquelles les propriétaires haïtiens – qui sont les premiers à acquérir des logements sur le territoire dominicain, devant les Américains et les Canadiens – sont 95% à ne pas avoir de statut légal dans le pays.

La statistique arrive à un moment particulier où le président dominicain a décidé la fermeture de la frontière entre les deux pays; une décision à laquelle l’éditorial du Listín Diario de ce matin réserve un « appui de granit ».

Est-ce à dire que les Haïtiens en République dominicaine pourraient bientôt perdre leurs maisons ? Probablement pas. Contrairement à la législation haïtienne où, en dépit de certaines ouvertures récentes, des restrictions importantes continuent d’exister sur le droit des étrangers à acheter de l’immobilier en Haïti, en République dominicaine, les étrangers, sur cette question, ont les mêmes droits que les citoyens. Il suffit d’un passeport, d’un permis de conduire, d’argent (préférablement en espèces), et vous voilà qualifié ! Cela pourrait expliquer comment l’argent de Petrocaribe et les détournements en série de l’argent de l’État haïtien, ainsi que l’argent provenant des kidnappings et d’autres activités lucratives des gangs, ont pu si facilement se reconvertir dans l’immobilier dominicain, mais nous y reviendrons.

Nonobstant, la protection des droits des personnes d’ascendance haïtienne en République Dominicaine n’est pas des plus solide. Et le climat social et politique de ces derniers jours n’est pas exactement très pro-haïtien. Dans 5 jours exactement, l’arrêt TC/0168/13 du Tribunal Constitutionnel aura 10 ans. Cet arrêt privant des dizaines de milliers de Dominicains d’ascendance haïtienne de leur nationalité est encore en vigueur malgré une condamnation par la Cour interaméricaine des droits de l’homme et d’autres instances internationales. Cette dénationalisation est une violation claire du droit international, des droits humains de ces Dominicains d’origine haïtienne, mais la République dominicaine a décidé de passer outre, sans répercussion aucune. Il est donc parfaitement envisageable que le droit de propriété subisse un sort similaire.

Naturellement, il faudrait trouver une bonne raison pour obtenir un nouvel arrêt du Tribunal Constitutionnel. Heureusement pour l’État dominicain, la raison est toute trouvée. Des saisies de biens immobiliers dans des cas liés à la criminalité, notamment au trafic de drogue sont suffisamment courantes en République Dominicaine pour qu’on puisse aisément les envisager en rapport avec des Haïtiens. Mieux encore, l’adoption en juin 2017 de la Ley 155-17 de prévention du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme peut servir de point de départ d’enquêtes pour suspicion de blanchiment d’argent et autres activités criminelles. Les possibilités sont excitantes et la raison électoraliste impérieuse.

Une réponse à « Vous n’allez probablement pas perdre votre maison en République Dominicaine mais cela donne à réfléchir, non ? »

  1. […] sur l’interprétation de l’expression subject to the jurisdiction thereof. Ils avancent, comme les Dominicains l’ont fait pour dénaturaliser les enfants nés de parents haïtiens, que les migrants sans […]

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