L’éducation nationale en Haïti doit être financée de manière autonome, sans dépendre de l’étranger. Au risque de choquer certains, un coopérant a le droit d’exprimer son opinion sur l’utilisation des fonds qu’il finance. Ce n’est pas de l’ingérence pour un ambassadeur français d’exposer, dans le cadre de la coopération de son pays avec le ministère de l’éducation nationale, les préférences de la France sur l’utilisation de l’argent du contribuable français. C’est même son devoir de diplomate chargé de défendre les intérêts des siens. Ce qui est déconcertant c’est que des Haïtiens en soient choqués.

Depuis les débuts de la nation, nous avons commis l’inexplicable bourde de confier l’éducation de nos enfants à nos anciens colons : prêtres bretons, frères de l’instruction chrétienne, coopération française… avec les conséquences que l’on sait. Aujourd’hui, via la « fuite » d’une correspondance tout ce qu’il y a de plus banal, des cadres du ministère semblent vouloir régler leurs comptes avec l’ambassade (ur) de France. Grand bien leur fasse! Il nous faut sortir de ce drôle d’ assujettissement de notre éducation à des étrangers mais cela doit commencer par un financement autonome de celle-ci.

Le budget de l’éducation nationale est notoirement insuffisant et bien en deçà des standards internationaux. Il faut l’augmenter de manière urgente. Mais de façon plus pressante encore, il est crucial d’enquêter sur l’utilisation actuelle qui en est faite. Les scandales récurrents concernant l’utilisation de ces fonds, qu’ils proviennent du FNE ou d’ailleurs, qu’ils servent à louer des maisons à des parents de parlementaires ou à construire des appartements pour des directrices de service, doivent interpeller.

Un.e professeur.e des écoles gagne moins de 200 dollars par mois alors qu’un.e cadre du ministère s’offre des millions en manipulant les projets destinés aux écoles, en détournant 60% du financement d’un programme de soutien aux élèves, en accordant 10% à un responsable de réseau, et en distribuant 30% aux écoles sur un financement de la coopération qui était déjà insuffisant. S’il faut s’offusquer, être choqué, s’indigner, c’est ici qu’il faut le faire.

Un coopérant qui vous dit qu’il ne vous financera que dans des conditions précises est un coopérant que vous avez le droit de rejeter si ces conditions ne vous conviennent pas. Sans plus. Crier à l’ingérence alors que vous acceptez l’argent de l’autre n’est pas seulement ridicule, c’est stupide et humiliant pour la nation. Ramassons notre caractère et concentrons-nous !

Certes, il nous faudra trouver un équilibre entre ce besoin d’autonomie financière et les avantages bien réels que peut apporter une coopération internationale bien gérée. Une dépendance totale des ressources nationales pourrait poser des défis, tels que des risques de coupures budgétaires en ces périodes de difficultés économiques, tout en négligeant l’expertise et les ressources spécialisées que certains coopérants peuvent apporter. Assurer un contrôle souverain sur les décisions éducatives exigera des ajustements difficiles mais ce qui vaut la peine s’obtient rarement sans effort.

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