La dichotomie peuple-population prend tous les jours des dimensions inégalées dans la politique contemporaine haïtienne. Jadis, à l’époque du lòk, l’avocat du peuple mettait en garde la population contre le premier. Celle-ci était donc assignée à résidence alors que le peuple prenait le contrôle du pays.
Mais les temps ont changé. Aujourd’hui, le porte-parole du premier ministre s’époumonne à chanter les louanges de la belle femme qu’est la population haïtienne, tout en nous rassurant sur le Conseil Présidentiel de Transition, mari du Premier Ministre, son épouse dévouée, tous deux décidés à prendre soin du peuple, leurs enfants adorés.
Je suppose que l’attente ici est que nous nous estimions heureux d’être ainsi choyés par notre illustre famille gouvernementale. Mais j’avoue mal gérer l’idée que notre bien-être de peuple soit réduit à une relation conjugale bancale où l’épouse informe son mari par WhatsApp qu’elle part une semaine à l’étranger pour s’occuper de l’avenir de la famille, pendant que le mari s’en plaint dans la presse. Je peux, s’il le faut, filer la métaphore romantique absurde mais un peuple-enfant et une population comparée à une belle femme me donne l’impression d’être dans un roman de Vladimir Nabokov et je ne préférerais pas.
Nous voilà donc, désormais, objets de désir politique, élégante muse dans l’imaginaire fantasque de nos dirigeants. Demain, peut-être, serons-nous des fleurs délicates dans le jardin d’un tendre jardinier ou des étoiles brillantes dans le firmament gouvernemental. Tout, sauf des citoyens autonomes avec le droit de choisir nos dirigeants, lesquels ont le devoir de nous rendre des comptes.





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