Le Conseil de la Provisoire Transition (CPT) est mort. Nous l’avons annoncé. Nous l’avons constaté. La presse l’a acté. Il y a une semaine, les conseillers-présidents ont lancé deux grands chantiers monumentaux, dont celui de la réforme constitutionnelle, dans l’indifférence générale, à l’exception de deux courts articles publiés par des journaux en ligne. Comme je m’inquiétais de ne rien voir dans « le plus ancien quotidien d’Haïti », un contact au Nouvelliste m’a avoué que je lui apprenais la nouvelle. Peut-être en ferons-nous un entrefilet, me concède-t-il; quelque chose dans « les remous de l’actualité ».
Pendant ce temps, à la une du journal et dans toute la presse, le Premier ministre et son Ministre des Affaires Étrangères dominent l’actualité. Chaque geste est analysé, disséqué, amplifié. Le moindre mouvement est sujet à une couverture médiatique exhaustive. La réforme de la loi fondamentale, un projet qui, sous feu le président Jovenel Moïse, suscitait des passions et provoquait des débats houleux dans toute l’infosphère haïtienne, n’intéresse désormais plus personne parce que le CPT n’intéresse plus personne, surtout pas le gouvernement dont il a officiellement doté le pays.
Aujourd’hui, le Nouvelliste titre sur les frictions entre le CPT et le Premier Ministre Conille actuellement en visite prolongée aux États-Unis d’Amérique. Le Dr Conille serait parti en voyage sans consulter les conseillers-présidents. Quelques heures avant son départ, il leur aurait envoyé un message via WhatsApp pour les informer de son agenda. Rien de plus. Après tout, pourquoi s’en soucierait-il ? Ce n’est pas comme si le CPT pouvait réagir. Et le CPT le sait bien puisqu’il ne peut que s’en plaindre dans la presse.
L’accord du 3/4 avril a beau avoir ses défauts, il prévoyait un organe de contrôle de l’action gouvernementale (OCAG) devant lequel le gouvernement serait redevable. Mais cet accord n’a jamais été publié et, même s’il l’avait été, l’OCAG, initialement prévu dans l’accord créant le défunt Haut Conseil de la Transition (HCT), n’aurait probablement jamais vu le jour. Le Premier ministre est donc libre de ses mouvements et, contrairement au CPT, il n’a pas de date de péremption.
L’instance de nomination étant aussi celle de révocation, c’est l’article 165 de la Constitution qui permet au Président de la République de démettre le Premier ministre de ses fonctions. Cependant, cette décision doit être approuvée par une majorité des deux chambres du Parlement. Les présidents contournent généralement cette exigence en obtenant une lettre de démission antidatée, en guise de garantie. Mais quand le Premier ministre est pro(im)posé par les États-Unis, certaines exigences ne peuvent être posées.
L’article 158, qui exige un vote de confiance de l’Assemblée nationale pour l’entrée en fonction du Premier ministre, est écarté. De même, l’article 137, qui dispose que le Premier ministre doit être issu du parti majoritaire à la Chambre des députés et/ou en consultation avec les présidents des deux chambres, est ignoré. Dans ce triple coup d’État – contre Moïse, contre Henry, puis contre le CPT – le Premier ministre est là de facto et dirige le pays sans conteste. D’autant que, en l’absence du Parlement, il n’a pas à se soucier de l’article 160 qui prévoit un vote de censure (129-4).
Certes, l’article 142 prévoit que le Premier ministre et ses ministres sont responsables devant le Président de l’application des décisions prises en Conseil des ministres. Mais Haïti n’a pas de Président actuellement, rendant cet article inapplicable. En revanche, l’article 145 dispose que le Président peut déléguer certains de ses pouvoirs au Premier ministre ou aux ministres. Conséquemment, en l’absence dun Président, le gouvernement peut assumer tous ces pouvoirs, ce qui correspond parfaitement à la pratique précédente d’un certain Ariel Henry.





Laisser un commentaire