L’Évangile de Jean est formel. « Nul n’est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme » (Jean 3:13). Pourtant, dans la Bible, nous trouvons deux autres instances d’ascension divine. Élie qui monta au ciel dans un tourbillon (2 Rois 2:11) et Énoch qui marcha avec Dieu; puis ne fut plus, parce que Dieu le prit (Genèse 5:24) . Énoch qui fut enlevé pour qu’il ne vît point la mort (Hébreux 11:5).
Commençons par un caveat. Il est fort possible qu’Énoch soit bien mort, après tout. C’est ce qui semble être impliqué quelques lignes plus loin, au verset 13.
C’est dans la foi qu’ils [Abel (11:4), Énoch (11:5), Noé (11:7), Abraham (11:8), Sara (11:11)] sont tous morts, sans avoir obtenu les choses promises; mais ils les ont vues et saluées de loin, reconnaissant qu’ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre.
Hébreux 11:13
Car le croyant n’est pas de ce monde (Jean 17:16). C’est un voyageur de passage sur la terre. Énoch marche avec Dieu qui le guide et l’accompagne dans sa quête de sens. Ce n’est pas tout-à-fait le Petit Prince demandant à l’aviateur de lui dessiner un mouton, mais les deux récits sont symboliques d’une démarche de transcendance de la réalité matérielle à la recherche de réponses plus profondes.
Le voyage d’Énoch est une quête spirituelle, le conduisant vers les niveaux les plus élevés de compréhension et de proximité divine. Le Petit Prince voyage de planètes en planètes, explorant des mondes symboliques où les divers habitants rencontrés sont autant de facettes de la nature humaine. Mystique dans un cas, initiatique dans l’autre, ces voyages conduisent à la découverte de vérités plus profondes, au-delà des aspects superficiels de l’existence. La vie, la loyauté et la divinité dans un cas; la vie, l’amour et la responsabilité dans l’autre.
Énoch et le Petit prince d’Antoine de Saint Exupéry (1943) rappellent le caractère universel de la quête de sens et de compréhension. La recherche de quelque chose au-delà de soi-même est commune à la condition humaine. Tous.tes nous cherchons à transcender les limites de notre propre réalité, que ce soit à travers la découverte personnelle comme le Petit Prince ou à travers la spiritualité comme Énoch.
Le Livre d’Énoch – non inclus dans le canon biblique – décrit ses voyages mystiques, ses rencontres avec les anges et bien sûr sa proximité avec Dieu culminant par son enlèvement au ciel. Il entretient une communication particulière avec Celui-ci dont il reçoit des visions et des révélations qui le distinguent des autres. Le Petit Prince aussi est différent. Son regard innocent et sa capacité à voir au-delà des apparences révèlent une compréhension unique du monde, empreinte de poésie et de sagesse, qui lui permet de communiquer avec les habitants des planètes visitées de manière profonde et introspective.
Les deux personnages sont dotés d’une compréhension spéciale qui transcende la norme et qui interpelle sur la manière dont notre perspective (unique) de la réalité peut conduire à une transcendance personnelle et à une compréhension plus profonde de soi et du monde qui nous entoure. La mort est-elle encore la mort quand elle n’est plus qu’une facette de la vie?
La contradiction apparente entre les versets 5 et 13 du chapitre 11 du Livre des Hébreux en devient une question de perspective. Ayant été transporté sans avoir connu le processus normal de la mort terrestre, Énoch n’en serait pas moins mort pour ceux qui sont restés. La réalité matérielle est qu’il n’est plus. La vérité plus profonde est qu’il est retourné à sa source.
À la fin de l’histoire, le Petit-Prince disparaît, suite à une morsure du Serpent. Arrivé au bout de son périple, il est parti retrouver sa rose, laissant une pile de vêtements derrière lui. Du corps du Petit Prince, aucune trace; lui non plus n’a pas connu de mort terrestre conventionnelle. Son voyage terminé, il est retourné à sa source.
Dans le Livre des Paraboles – également connu comme les Similitudes d’Énoch – Énoch avait reçu des révélations concernant la nature de l’univers, les mystères célestes, et la destinée ultime de l’humanité: Dieu. Sur la planète du Roi, le Petit Prince avait découvert que malgré son pouvoir le Roi est incapable de contrôler la mort mais, comme il l’avait appris plus tard avec le Renard, même si la mort est difficile à accepter, il est possible de la transcender par l’amitié. Énoch était ami avec Dieu et qui marche avec Dieu ne meurt jamais (Jean 11:25).
Certains voient dans le fait qu’Énoch n’ait vécu que 365 ans – son fils Mathusalem a vécu 969 ans et son arrière-petit-fils Noé, 950 – un lien à faire avec les 365 jours de l’année pendant lesquels il faut marcher avec Dieu. Pourquoi pas ? Et si, à tout hasard, vous y voyez une opportunité pour une petite échappée ce 29 février d’une année bissextile, ce ne sera certainement pas moi qui vous en empêcherai.
NB: J’ai eu beaucoup de plaisir à trouver des informations sur Énoch – il ne m’était pas familier – d’autant que la comparaison avec le Petit Prince est venue d’elle-même. J’adore ces petites explorations propulsées par vos suggestions. J’ai hâte de voir ce que vous me réservez pour la suite.
Comme d’habitude, le lien pour vos suggestions anonymes est ici: https://ngl.link/laloidemabouche





Laisser un commentaire