Les fêtes de fin d’année se terminent dans un peu plus d’un jour – tout athées que nous sommes, nous sommes de culture catholique et la nouvelle année ne commence pas avant Les Rois, merci beaucoup – mais mon frère n’en peut plus. Il a essayé. Vraiment essayé de garder tout cela pour lui mais, avec les fêtes, les cocktails, les rhums coca et sour … cela lui démangeait trop : les nouvelles bouteilles Barbancourt sont extrêmement laides (uggo) et un crime contre un rhum hautement prisé, une fierté nationale à la bouteille emblématique, un classique d’anthologie.

Comme je lui faisais remarquer qu’il s’agissait là sans doute d’un accès de nostalgie, il m’a sorti, pas loin des larmes – et même pas de rhum – que la nouvelle bouteille ressemblait plus à une horreur que lui et son manque de coordination arriveraient à produire s’il s’essayait à imiter l’ancienne, la seule vraie bouteille™️.

Mon frère a un problème majeur. Dans la multinationale où il donne l’heure au Blan, le rhum Barbancourt est un cadeau idéal à offrir à ses collègues et clients. Désormais, il se demande comment il pourra leur vendre Barbancourt comme étant spécial et unique, avec une longue et riche histoire, si la bouteille « ressemble à toutes celles qu’on trouve au supermarché ». Certes, lui fais-je remarquer, mais peut-être qu’elle datait un peu et avait besoin d’un petit coup de jeune; l’ancienne bouteille fait très pirate des Caraïbes, très flibustier. Il me rétorque que, justement, c’est cet aspect-là qu’il a toujours vendu. Si cela continue, se lamente-t-il, nous aurons bientôt droit à une bouteille en plastique, façon Captain Morgan. Et puis, lance-t-il, dépité, la nouvelle bouteille ressemble à quelqu’un portant un pantalon trop court.

Ne me demandez pas le rapport, cher.e lecteur.rice, je suis aussi perdue que vous. Et, avant que vous ne me le demandiez, ce coup de gueule est totalement sobre. Parce que, voyez-vous, cette bouteille a réussi à lui ôter toute envie de boire. Il ne peut se résoudre à ouvrir cette ignoble trahison après l’avoir regardée.

Cela m’a fait bien de la peine. Mon frère a toujours aimé son rhum, même enfant – où il ne s’est totalement pas saoulé lors de ma première communion, maman, si tu lis ce billet – alors que nous avions 7 et 8 ans. Aussi, tentai-je de lui expliquer les raisons de ce changement.

Je crois me souvenir que la patronne de Barbancourt avait expliqué comment chaque génération de sa famille apportait quelque chose de nouveau et élargissait la vision de la compagnie : son arrière grand-père l’a fondée, son grand-père l’a développée, son père l’a industrialisée et elle, elle l’internationalise. C’est de l’excellent storytelling – madame a fait une maîtrise en finances et marketing – mais mon frère n’est pas plus convaincu. Il maintient qu’il n’était aucun besoin de dénaturer une bouteille parfaite pour cela. Oui, pour l’internationalisation, mais pas en sacrifiant « notre fierté ».

Mon frère n’est pas tout-à-fait déraisonnable toutefois. S’ils offrent une option classique pour les connaisseurs – n’est-ce pas là, d’ailleurs, leur slogan – il est prêt à pardonner. Il veut juste que sa proposition parvienne à qui de droit.

J’allais lui suggérer d’écrire un e-mail, puis je me suis rappelée que j’avais ce blog où j’écris des billets que les gens lisent et partagent. Je lui ai promis d’en écrire un. C’est fait.

Adressé à qui de droit.

Une réponse à « Mon frère n’aime pas la nouvelle bouteille Barbancourt et entend qu’on le sache »

  1. […] De nombreux commentaires déplorent l’incident. Barbancourt est un patrimoine national; tout ce qui lui arrive interpelle forcément. Toutefois, une remarque particulièrement inquiétante revient fréquemment […]

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