Musiciens de Palais

Le nouvel ambassadeur américain ne cache pas sa joie. Bientôt, il pourra présenter ses lettres de créance. Il était bien embarrassé, le pauvre ! Pensez-vous? Un ambassadeur que la rumeur disait avoir remis ses lettres de cabinet. Comme s’il était un vulgaire chargé d’affaires et même pas en pied.

Or, l’ambassadeur Hankins n’est pas n’importe qui. Au printemps 1997, officier politique à Kinshasa, il était réputé servir de liaison avec la rébellion. C’était à l’époque où Mobutu tombait pour que s’éleva Kabila. Le mois d’août précédent, le voisin rwandais, Paul Kagame, s’était rendu à Washington. Il y était allé pour se préparer à la nouvelle ère que préparait la rébellion zaïroise. Une rébellion que beaucoup considéraient alors comme la création (créature?) des Américains. À l’administration Clinton , Kagame, tel un Abinader avant l’heure, avait exposé le caractère dangereux du désordre du voisin congolais et réclamé l’intervention de l’aigle. De retour chez lui, il ne perdra pas de temps. Kabila, recruté par les Tutsis, est amené à Goma pour incarner la révolte contre Mobutu. The rest, comme on dit, is history.

Dennis B. Hankins possède donc un potentiel énorme dans le contexte actuel qu’on se doit d’apprécier à sa juste valeur. Conseiller en politique étrangère au Bureau de la Garde nationale, c’est un diplomate de carrière du rang de ministre-conseiller, qui, en sus de ses activités congolaises, fut ambassadeur en République de Guinée sous Barack Obama. Des rumeurs de lettres de cabinet, c’était lui faire offense.

L’ambassadeur Hankins n’est toutefois pas le seul ambassadeur arrivé en Haïti post-magnicide. L’administration Henry ayant dû se contenter, 31 mois durant, d’un président défunt, la présentation de lettres de créance était quelque peu délicate, mais plus maintenant. Certes, le Conseil présidentiel de transition n’a toujours pas de contenu officiel mais il est potentiellement chef de l’État et donc …

Ce matin, tout le corps diplomatique s’est rendu à l’installation du Conseil, comme il se doit. Comme ils l’ont fait pour Ariel Henry, puis pour le Haut Conseil de Transition et désormais pour le Conseil Présidentiel de Transition. La communauté internationale céans n’est pas regardante. Telle une musicienne de palais, elle donne ochan à qui de droit, à qui de facto.

Certes, la musique est parfois discordante et s’accélère, comme la fanfare présidentielle de ce matin, mais la musique est là. Elle accompagne. Tant qu’elle le peut. Avant d’être remplacée par le bruit des balles.

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