Thanks Obama 

Le 7 novembre 2008, j’étais à Paris lorsque tomba la nouvelle: Barack Hussein Obama, le candidat coolissime aux prénoms et nom impossibles, allait devenir le 44ème président américain !

J’habitais encore dans ce studio minuscule du 16ème arrondissement qui, pendant six mois, avait livré une bataille brutale à mes allergies et moi jusqu’à ce que, vaincue – et surtout ayant réussi à convaincre l’intransigeante Mme de W. de me libérer de mon contrat et ainsi s’éviter l’inconvénient du cadavre d’une étudiante ennuyeuse dans son appartement  – je déménage dans le bien plus clément 7ème arrondissement. Ce matin-là, toutefois, j’étais invincible. J’avais passé toute la nuit à suivre les présidentielles américaines sur CNN et quand Wolf Blitzer confirma la « nouvelle historique », j’étais parée.

J’avais été une croyante de la première heure. Je disais à qui voulait l’entendre que le jeune sénateur de l’Illinois allait éliminer de la course, sa concurrente démocrate, Hillary Clinton puis le candidat républicain quel qu’il soit – ferveur anti-Bush oblige. Invitée à, comme disent les Américains, mettre mon argent où se trouvait ma bouche, j’avais même parié 1000 dollars sur la victoire de mon poulain. J’étais certaine. J’étais conquise. J’étais convaincue. Aussi, la nouvelle ne m’étonna-t-elle guère. Je m’y attendais. Il ne me restait plus qu’à la célébrer proprement.

J’avais de la chance. Mon épicerie – achetée en ligne parce que je m’efforçais alors d’élever la paresse au rang d’art – devait m’être livrée ce matin-là, 5 heures. Mon livreur était un jeune homme fort agréable et au sourire éclatant. Nous avions le même âge. Nous étions fans d’Obama. Nous étions conscients du caractère historique de la chose. Mais, surtout, nous étions fans d’Obama et il y avait du vin. Je le fis entrer. Nous nous regardâmes. Hurlâmes à la mort : Obama est Président ! Trinquâmes, puis éclatâmes de rires. Il avait d’autres livraisons à faire. J’ai voulu lui donner son pourboire. Il tenta de refuser. Je glissai 20 euros dans sa poche. Il fit semblant de ne pas voir. Je fis semblant de le croire. Il fit mine de s’en aller. Je lui tendis la main. Il me serra dans ses bras puis s’en alla. Nous venions de vivre un magnifique moment d’humanité, grâce à Barack Obama.

Un peu plus tard, arrivée à Sciences Po, des scènes similaires se répétaient avec des collègues étudiants en provenance de tous les coins de la planète. On riait. On s’embrassait. Nous participions allègrement à la célébration d’un soulagement planétaire. Barack Hussein Obama c’était un peu la preuve que tout était possible. En lui seul, il réunissait le Blanc et le Noir, le Chrétien et le Musulman, l’Atlantique et le Pacifique. Son histoire était celle de notre génération, ouverte sur le monde, multiculturelle, internationale. La coopération devenait possible. Le vivre ensemble devenait possible. La Paix devenait possible.

Si certains ont questionné la pertinence du choix, sa nomination pour le Prix Nobel de la Paix, ne nous a pas surpris. Qu’il l’ait gagné non plus. Même s’il n’avait pas encore bouclé sa première année. En lui, nous avions un symbole. Il nous donnait espoir. Le Prix était, pour nous, amplement mérité. Il est quelque chose toutefois à laquelle nous ne nous sommes jamais attendus: qu’il devienne notre Président.

Nous savions pertinemment que les Américains, et pas nous, l’avaient élu. Que ses obligations seraient d’abord envers ses concitoyens. Que c’était normal, surtout, et que les choses ne sauraient être autrement. Nous espérions simplement que, étant plus raisonnable et plus sensé que son prédécesseur, sa politique étrangère serait plus en phase avec une génération portée vers la coopération et la solidarité internationales. Sans plus. Aussi, dois-je avouer avoir du mal à me sentir trahie par la décision du président américain de nous renvoyer les Haïtiens en situation irrégulière aux États-Unis. Il le fait pour toutes les autres nationalités. Pourquoi pas nous ?

L’administration Obama a battu tous les records d’expulsion avec plus de 2.5 millions de personnes expulsées, soit plus  que son prédécesseur et tous les présidents du 20ème siècle combinés.

Ce n’est donc rien contre nous, ni d’ailleurs contre la communauté haïtiano-américaine. La politique migratoire américaine ne fait pas dans le baryè lib, il existe des canaux légaux pour y émigrer et ceux qui ne les respectent pas courent le risque de se faire expulser. Naturellement, l’humaniste que je suis rêve du jour où la libre circulation des personnes partout sur la planète sera une réalité. En attendant, il me faut me résoudre à accepter l’évidence qu’on ne veut guère de nous ailleurs tandis que, à coup de changements soudains de politiques d’accueil, nos hôtes potentiels, s’activent, successivement, à limiter le trop plein de migrants haïtiens qui leur arrivent depuis le séisme de 2010 et alors que les attaques xénophobiques au Brésil et ailleurs se multiplient. Comparativement, l’administration Obama a fait preuve d’une grande patience, en accordant aux nôtres un asile temporaire (TPS) maintes fois prolongé.

Aujourd’hui, alors que nous nous réjouissons de l’annonce de notre Prince de la Saint-Valentin quant au départ prochain de la MINUSTAH et que nous nous attachons à organiser et financer nos élections tout seuls comme des grands, nous ne pouvons qu’accepter les conclusions de l’administration Obama quant à nos progrès en matière de stabilité et, ipso facto, les conséquences de celles-ci. Devenir maître de sa tête a un coût. Assumons-le. Nous ne pouvons continuer d’attendre de l’autre qu’il nous fasse des faveurs et nous sentir trahis lorsqu’immanquablement il refusera. Du reste, disons les choses comme elles sont. Nous sommes les premiers à nous méfier des décisions politiques potentiellement dictées de l’extérieur. Nous sommes toujours prompts à décrier le Blan et son influence réelle ou supposée dans la politique haïtienne – même s’il paie généralement pour tout et « Ã©lit » nos présidents – et nous voudrions influencer celle des autres, même sans rien offrir en retour? La chose n’est pas seulement hypocrite, elle est irréaliste.

Il ne reste plus qu’une solution: nous apprêter, comme l’a proposé notre Prince, et son prédécesseur avant lui, à recevoir nos compatriotes dans la dignité.

4 réflexions sur “Thanks Obama 

  1. on est jamais mieux trahis que par les siens 😦
    l’huile essentielle d’arbre à thé soulage tout ce qui est respiratoire 🙂
    je serais curieuse de savoir ce que vous lisez de beau comme livre en ce moment mais c’est peut~être indiscret?/bonne suite à √ous♥…

    J’aime

Laisser un commentaire